De nombreux habitants de grandes métropoles viennent aujourd’hui s’installer à Vannes (près de 54 000 habitants), ville littorale et médiévale à forte identité régionale bretonne, riche d’un très important patrimoine historique. Cette forte croissance démographique entraîne un dynamisme culturel à la mesure des attentes de la population. Fabien Le Guernevé, maire-adjoint à la culture et au patrimoine et aujourd’hui vice-président Bureau de la FNCC, retrace les grandes lignes d’une politique culturelle mêlant notamment le soutien aux arts urbains, la réhabilitation du patrimoine et la valorisation de la culture bretonne, avec un principe général : la promotion sous toutes ses formes et dans tous les secteurs de l’action en faveur de la culture, de l’éducation artistique et culturelle.
La nouvelle équipe municipale s’inscrit-elle dans la continuité ? Ce mandat est-il un choix ?
C’est la même équipe. J’étais déjà élu dans le mandat précédent, en charge de la jeunesse et de la vie étudiante. Le maire m’a confié la délégation au patrimoine – mon domaine d’expertise professionnelle – et la culture. Pour ce mandat, l’idée est de travailler à accroître les liens transversaux à la fois entre les divers secteurs de la culture et avec les autres politiques menées par la mairie.
Comment décririez-vous la particularité de votre territoire d’un point de vue historique, géographique, démographique, social ?
Vannes est une ville médiévale, avec un centre historique riche de beaucoup de patrimoine et de monuments qu’il faut entretenir. C’est aussi une ville littorale, au cœur du Morbihan. Donc un cadre de vie très attractif, ce qui entraîne un grand renouvellement de la population venue de métropoles ou de la capitale (avec la Ligne à grande vitesse, nous ne sommes plus qu’à 2h20 de Paris) mais aussi une localisation de nombreuses entreprises – un phénomène qui s’est accéléré avec la crise de 2020. De là, une appétence culturelle nouvelle qui nous oblige, et c’est tant mieux, à revoir nos politiques culturelles, à être plus innovants, à nous renouveler et à associer davantage les acteurs culturels mais aussi les habitants “historiques” ainsi que les nouveaux arrivants pour mieux connaître leurs attentes.
Portez-vous une attention particulière à la culture régionale ?
Oui, une partie non négligeable de notre politique culturelle est en effet liée à nos traditions, à la langue et la culture bretonne, à notre identité régionale. Vannes dispose notamment de la Ti ar Vro Bro Gwened – la Maison de la culture bretonne du pays de Vannes –, gérée par une confédération d’associations de culture bretonnes largement soutenue par la Ville.
Quelle est l’influence culturelle de la mer ?
Elle est forte et prend différentes formes : valorisation du patrimoine maritime dont les bateaux de pêche typiques du Golfe du Morbihan et de l’histoire de la navigation, éveil à la sensibilisation sur la protection des océans et des côtes à travers, par exemple, la Fête de la science à laquelle s’associent les quatre médiathèques de Vannes, en lien avec une université qui a un département de biologie marine. Cette collaboration est l’occasion de monter des expositions sur l’économie circulaire, l’impact de nos déchets sur les milieux marins… La dimension marine impacte aussi notre approche de l’urbanisme dans la mesure où nous sommes directement concernés par les “lois littoral ». La mer, c’est notre identité.
Quelle est la fonction d’une politique culturelle au sein d’un projet politique municipal ?
La culture s’apparente à l’environnement : une dimension transversale qui créé du lien entre toutes les politiques publiques, que soient celles de la Ville et ou de l’Agglomération, et qui s’appuie sur le milieu associatif. Notre politique culturelle touche à tout, à l’environnement, au bâti, à la cohésion sociale, à la politique de la ville, à l’éducation, à la jeunesse…
Quelles sont les principales lignes de force de votre projet culturel ?
Nous portons un grand nombre d’actions que nous développons en suivant deux grandes lignes, d’une part une politique d’enseignement artistique et culturel transversale déployée sur l’ensemble de nos projets et dispositifs et, d’autre part, une politique patrimoniale, avec de très nombreuses restaurations. Par exemple, nous menons actuellement le chantier exemplaire de la Chapelle Saint-Yves, où les entreprises accueillent de nombreux apprentis dans les divers métiers d’art ou encore la restauration d’un château dans lequel s’installera le musée des Beaux-Arts, avec l’idée d’une politique de médiation vers les publics jeunes. Plus généralement, le patrimoine sera un terrain d’expérimentation pour de nombreux projets.
Pour ces projets, bénéficiez-vous du soutien de la DRAC Bretagne ?
Les services patrimoniaux de la DRAC nous aident beaucoup (et nous imposent aussi beaucoup d’exigences), que ce soient les architectes des bâtiments de France ou les conservateurs de monuments historiques. Cela se passe d’ailleurs excellement bien avec l’ABF. Il faut préciser que, professionnellement, je viens de la conservation du patrimoine, donc on se comprend très bien.
Dans le cadre des droits culturels, les formes d’expressions populaires comme les fêtes ou le festnoz sont-elles soutenues par la Ville ?
Oui, très fortement. La Maison de la culture bretonne fédère les associations pour l’apprentissage de la langue, pour les Fêtes d’Arvor, grande fête bretonne en août. On accompagne aussi la fédération des Cercles celtiques pour les danses bretonnes, la Confédération des bagadous [sonneurs bretons], notamment celui de Vannes. La Ville offre également un tablier brodé à la « Reine d’Arvor » dont l’élection a lieu pendant les Fêtes d’Arvor, une manière de soutenir le savoir-faire des brodeuses professionnelles. Nous soutenons aussi plusieurs écoles publiques et privées offrant un parcours bilingue ainsi que le réseau Diwan des écoles privées : on a ainsi beaucoup bataillé pour que Vannes accueille le deuxième lycée Diwan de Bretagne afin que les enfants puissent poursuivre leur scolarisation bilingue au-delà du collège, de la crèche au lycée.
Accordez-vous une place et/ou fonction particulière aux arts dans l’espace public ?
Les formes de la culture populaire bretonne investissent aisément l’espace public. Par ailleurs, avec notre conservatoire, des concerts sont organisés sur les places.
Mais il faut surtout souligner notre forte identité de ville des arts urbains. Des expressions qu’on soutient activement à partir du monde associatif. Par exemple, le projet “Vannes et sa street” accueille des artistes urbains nationaux et internationaux qui viennent habiller les murs de la ville et ce, même en secteur sauvegardé. Nous avons aussi mis à disposition un vieux bâtiment administratif désaffecté à une association qui a monté le projet “Dédale” : des graffeurs venus du monde entier recouvrent successivement l’intégralité de l’intérieur du bâtiment. Ce dispositif a conféré à Vannes une notoriété internationale de ce point de vue.
La valorisation des arts urbains a libéré d’un coup, comme une explosion, une très grande énergie créative… Il fallait juste attendre que les gens s’emparent de cette ville qui a pu sembler trop tranquille.
Nous allons également signer le projet “Le Mur”, comme dans d’autres villes : un mur réservé sur lequel un artiste est accueilli tous les deux ou trois mois. Donc une vraie politique de soutien qui ne date pas d’aujourd’hui. L’attention aux arts urbains est ancrée depuis une dizaine d’années à Vannes. Cette valorisation des arts urbains a libéré d’un coup, comme une explosion, une très grande énergie créative… Il fallait juste attendre que les gens s’emparent de cette ville qui a pu sembler trop tranquille.
Quels sont les principaux atouts culturels de la ville de Vannes ?
D’abord les services culturels, avec 160 personnes. Et donc le budget culturel, soit 18% du budget global qui est le plus important hors moyens généraux.
Quels sont vos rapports avec l’intercommunalité, le Département, la Région ?
Notre maire est aussi le président de l’Agglomération – cela n’a pas toujours été le cas. Il faut préciser que la compétence culture est très peu intégrée à l’Agglomération. A part le conservatoire – il existe une convention avec la Ville pour l’un de ses deux sites –, nous allons mettre en réseau l’ensemble des médiathèques de l’agglomération. Cependant, nous travaillons ensemble et avec l’Education nationale ainsi qu’avec la DRAC sur un Contrat local d’enseignement artistique et culturel. La DRAC a en effet identifié la Ville de Vannes comme chef de file de l’EAC sur le territoire.
Le Département, lui, subventionne un nombre non négligeable de nos actions. Nous avons notamment mis en place ensemble des classes à horaires aménagés, musique, danse et théâtre au collège. Pour ce qui est de la Région, on la sollicite, mais il faudrait qu’on travaille mieux ensemble.
Estimez-vous qu’il manque des espaces de concertation entre collectivités ?
Quand je suis arrivé, j’ai voulu instaurer un dialogue permanent, deux à deux, avec chacun de nos partenaires territoriaux – agglomération, département, région et DRAC –, deux fois par an, pour faire le point sur nos sujets communs. Ce dialogue permanent réunissant élus et services a déjà permis de débloquer pas mal de projets. Il existe aussi le Conseil des collectivités pour la culture en Bretagne, le 3CB, copiloté par l’Etat et la Région, un véritable lieu d’échange et de partage, avec aussi des tours de tables avec les artistes, les compagnies, les structures culturelles.
En ce contexte de crise sanitaire, vous sentez-vous une responsabilité particulière ?
Inévitablement. Nos équipements étant fermés, sauf pour le conservatoire et les médiathèques, on a le devoir d’apporter un peu de lumière par des moyens nouveaux, à travers les réseaux sociaux, la mise à disposition de lieux pour continuer à faire vivre la création artistique, une programmation même dématérialisée, la mise en circulation des ressources numériques des bibliothèques. Il faut aussi veiller à ce que l’enseignement artistique se poursuive. On doit faire en sorte que, même si on tourne au ralenti, ce ne soit pas l’arrêt, car sinon le redémarrage pourrait être très lent. Plus globalement, la conjonction entre la crise sanitaire et le début d’un nouveau mandat a permis de reposer à plat nos différents événements afin de les adapter à nos nouvelles politiques culturelles du mandat.
Vous venez d’entrer au Bureau FNCC. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la Fédération ?
Un sujet sur lequel j’aimerais m’engager à la FNCC, c’est le soutien et la reconnaissance des langues, des cultures, des savoir-faire et des identités régionales. Que nous soyons bretons, basques, corses ou alsaciens, nous portons des identités régionales fortes. Mais quand on sait que l’Etat français se refuse toujours à signer la Charte européenne des langues régionales…, on comprend aussi qu’elles doivent être mieux défendues. Quant à l’action de la Fédération autour du patrimoine, c’est mon domaine d’expertise, tant pour la valorisation des sites que dans le suivi technique des travaux de de restauration. C’est ma passion !
Propos recueillis par Vincent Rouillon