Dans un contexte où l’épidémie a « précipité les propriétaires dans une situation désastreuse » et où se profile une crise économique de forte ampleur, les sénateurs Sonia de la Provôté (Union centriste, Normandie) et Michel Dagbert (Groupe socialiste et républicain, Pas-de-Calais) ont rédigé un rapport d’information (13 mai) pour les accompagner les élus, notamment les maires ruraux, dans leur mission de préservation et de valorisation du patrimoine.
Présenté comme un vade-mecum, le texte souligne que malgré le presque un milliard d’euros dépensés en faveur du patrimoine par l’Etat, 23% des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état ou en péril. « Le soutien des collectivités au patrimoine local, en particulier des communes, apparaît donc déterminant. » De surcroît, le secteur du patrimoine est riche en emplois non délocalisables et porte de grandes potentialités de développement local et touristique. Même si « le contexte va peser lourdement sur le budget des collectivités territoriales, il ne faut pas que le patrimoine soit une variable d’ajustement ». Une remarque d’autant plus importante que 14 670 communes comptent au moins un monument historique.
Mais les 36 propositions des sénateurs concernent non seulement le patrimoine classé (13 517 monuments historiques) ou inscrit (31 768 édifices). Elles concernent également le patrimoine culturel immobilier non protégé et non labellisé dont le recensement reste encore aujourd’hui encore « très parcellaire », ainsi que d’innombrables églises dont beaucoup, protégées ou non, sont à la charge de petites communes qui peinent à les entretenir.
Recommandations
Une part importante des recommandations visent à favoriser la sensibilisation, la formation et l’information des maires par des professionnels du patrimoine : Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), architectes des bâtiments de France (ABF), associations de défense du patrimoine… :
- Sensibiliser les maires au développement de nouveaux usages du patrimoine historique bâti dont les communes sont propriétaires : reconversion en logements, en commerces, ou encore en lieux de vie ou de services aux usagers.
. - Encourager les maires à solliciter l’assistance à maîtrise d’ouvrage, gratuite et de droit, des services de l’Etat s’agissant du patrimoine inscrit ou classé, en recourant aux services des architectes des monuments historiques.
. - Encourager les maires à solliciter plus systématiquement les Architectes conseils de l’Etat (ACE) en particulier dans leur mission de médiation avec les ABF.
. - Inciter les maires, en début de mandat, à suivre les formations courtes dispensées dans les territoires par les CAUE en matière de protection et de valorisation du patrimoine.
. - Inciter les maires, notamment des petites communes rurales, à recourir plus systématiquement aux services des CAUE, en particulier pour envisager les transformations d’usage du patrimoine bâti existant.
. - Sensibiliser les maires à la faculté de faire appel à des structures associatives ou des cabinets privés pour leur fournir une assistance à maîtrise d’ouvrage et des prestations de conseil sur des projets de protection, restauration ou valorisation du patrimoine.
Parmi les autres recommandations :
Profiter de la nouvelle mandature municipale qui s’ouvre pour développer l’approche pluridisciplinaire faisant du patrimoine un élément à part entière de l’aménagement du territoire
- Associer les jeunes générations aux enjeux du patrimoine comme vecteur d’identité partagée, en mobilisant les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture afin d’inclure dans les programmes scolaires des actions de sensibilisation à la richesse du patrimonial historique et architectural local.
. - Encourager les Français au “patriotisme patrimonial et culturel” en mobilisant les élus locaux pour soutenir et relayer au maximum, au niveau local, l’initiative “Cet été je visite la France”.
. - Profiter des interventions menées sur le patrimoine bâti architectural pour en faire un outil à part entière de valorisation économique : au service de l’emploi artisanal local, du dynamisme commercial et touristique, et de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.
. - Profiter de la nouvelle mandature municipale qui s’ouvre pour développer l’approche pluridisciplinaire faisant du patrimoine un élément à part entière de l’aménagement du territoire et l’intégrer plus systématiquement aux documents d’urbanisme.
. - Encourager les maires, lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, à privilégier l’utilisation du PLU ou du PLUI comme outil de préservation et de valorisation du patrimoine.
. - Encourager les maires à solliciter plus systématiquement les aides déployées par les départements et les régions, que ce soit en matière de financement ou en matière d’ingénierie, au service de l’entretien et de la valorisation du patrimoine bâti architectural communal.
. - Préserver et renforcer, dans les prochaines lois de finances, les moyens dédiés au Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes.
. - Pérenniser le dispositif du Loto du patrimoine en supprimant définitivement les taxes qui pèsent sur lui afin de se prémunir contre un risque de baisse des recettes dans les années à venir.
. - Encourager les maires à recourir aux différents outils de collectes de dons (mécénat, souscriptions), notamment les plus innovants (plates-formes de financement participatif etc.) pour mobiliser des fonds privés en faveur de la préservation du patrimoine architectural et monumental local.
. - Sensibiliser les maires à la possibilité d’opter pour une gestion déléguée d’un site patrimonial remarquable lorsque cela est financièrement plus rentable, au profit d’un opérateur public comme le Centre des monuments nationaux, ou un opérateur privé spécialisé qui assumera seuls les coûts de gestion.
Le rapport de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation