Station balnéaire très prisée des Parisiens depuis le 19e siècle, Trouville-sur-Mer (5 000 habitants) est aussi un des pays de l’Impressionnisme. A la fois terre de culture et terre de pêche, les deux dimensions bénéficient d’un afflux considérable de touristes, tant en périodes de congés que pendant les week-ends, ainsi que de nombreuses résidences secondaires.
Pascale CORDIER, maire-adjointe à la culture et à l’environnement, décrit les enjeux croisés d’une politique culturelle et environnementale qui se donne pour axe principal la création de manifestations favorisant la rencontre entre les Trouvillais et les visiteurs et ce, en lien étroit avec les très nombreuses associations culturelles du territoire.
Quelles sont les principales caractéristiques de Trouville-sur-Mer ?
Quand on parle de Trouville, l’image d’une ville balnéaire vient immédiatement à l’esprit, mais aussi celle d’une ville de culture et d’un port de pêche. Sa caractéristique tient à l’imbrication de ces trois éléments que peu de villes conjuguent aussi étroitement. Ces dimensions sont également interdépendantes : l’activité est basée sur la pêche et la pêche bénéficie du flot touristique, lui-même lié à l’image culturelle de la ville dont le seul nom évoque à la fois Marguerite Duras, Marcel Proust ou encore Gustave Flaubert. Sans oublier son passé de ville des Impressionnistes.
L’autre caractéristique tient à une démographie bien particulière. La commune compte 5 000 habitants, mais ce chiffre doit être multiplié par sept, voire par huit, lors des grands week-ends et des périodes de vacances. La ville a ainsi beaucoup changé. De ville familiale dans les années 50 et 60, elle est devenue une “ville de week-end”. La liaison ferroviaire avec Paris y est pour beaucoup.
Comment gère-t-on une politique culturelle dans une ville balnéaire ? Qu’apporte de spécifique la culture ?
La culture est un bon moyen pour fédérer les populations trouvillaise et parisienne. On entend encore dire “Oula, les Parisiens arrivent !” Or les deux populations sont complémentaires. La culture aide à ce que les uns et les autres se portent mutuellement un regard bienveillant. Dans cette perspective de rencontre, nous organisons par exemple des rendez-vous de lecture ou encore des moments musicaux – un moyen d’intéresser tout le monde. Mais il importe que l’offre ne soit pas trop versée dans un intellectualisme élitiste. Il s’agit de construire des moments de plaisir, avec des choix simples mais de qualité.
Par ailleurs, en dehors de ces moments réguliers, il y a aussi des moments forts, notamment deux salons du livre, l’un – “Trouville sur Livres” – en novembre, l’autre au printemps, à destination des jeunes, avec des interventions d’auteurs dans les écoles. Là encore des événements fédérateurs qui associent la population. Autres manifestations, le salon du court-métrage “Off-Courts Trouville”, un festival de musiques actuelles ainsi que la “Rencontre d’été Théâtre et Lecture” qui se déploie sur quinze jours à Trouville même, puis rayonne largement dans la région. Des rendez-vous remarquables, avec plus d’une trentaine d’événements à chaque saison.
Voilà notre manière de fédérer les diverses populations – et cela fonctionne très bien. Il nous faut aussi tourner le regard de l’autre côté de la Touques, le fleuve qui sépare notre commune de Deauville. Là existent des lieux et des équipements qui permettent d’accueillir de très gros événements. Nous construisons donc notre politique culturelle en complémentarité avec celle de Deauville.
Quel lien entre politique environnementale et politique culturelle ?
L’attention à l’environnement englobe à mon sens tous les domaines, que ce soit l’urbanisme, la culture, le scolaire. Tout est sujet à parler d’environnement. Nous terminons par exemple avec un concert une grande manifestation sur les enjeux environnementaux. Il n’y a pas de barrière entre les deux approches : on peut déguster une coquille Saint-Jacques mais aussi en apprécier visuellement la beauté. Et puis la mer elle-même est une richesse culturelle. Elle inspire la sensibilité et elle a inspiré les Impressionnistes. Nous proposons aussi des concerts sur la plage…
Le tourisme ne fait pas partie de votre délégation. Travaillez-vous en transversalité avec cette délégation ? Avec d’autres ?
Trouville bénéficie du double label “Ville amie des aînés” et “Ville famille”. L’Office de tourisme fait dans ce cadre un gros travail vers les personnes âgées et les enfants (patinoire, carnaval…) et s’attache à mettre en valeur les animations culturelles proposées par la mairie. Si à la municipalité tourisme et culture sont dissociés, je travaille beaucoup avec l’Office de tourisme, en particulier pour proposer des ateliers de dessin au musée municipal, ou encore des stages de musique.
L’une de ces associations concerne la musique, l’autre les arts plastiques : celle qui défend l’orgue Cavaillé-Coll de l’église et l’association des Amis du musée. Votre lien avec elles ?
Au 19e siècle, la ville s’est pensée comme une transposition de la vie parisienne, avec en particulier des messes qui étaient aussi de vrais moments de spectacle. D’où trois orgues Cavaillé-Coll : deux dans les principales églises ainsi qu’un petit orgue d’autel. Et en effet une petite association s’est constituée pour faire vivre ces instruments et les entretenir. Nous la soutenons.
Vous évoquez aussi l’association des Amis du musée et du passé régional. Elle réunit plus de mille personnes et joue un très important rôle de mémoire, notamment en éditant une revue, l’Athéna sur la Touques, qui retrace l’histoire de Trouville et de Deauville. Un travail absolument passionnant. Parfois aussi l’association, qui se revendique indépendante, achètent un tableau et en fait don au musée.
D’autres associations que nous accompagnons contribuent également à la foisonnante vie culturelle de Trouville : le Chœur de Trouville, dédiée au lyrique et Les Musicales, qui se consacre au jazz, avec des professionnels de très haut niveau. La densité du tissu associatif culturel constitue un atout, un appui important.
A quoi il faut ajouter une école de musique dynamique, avec plus de 350 élèves, et qui elle aussi donne régulièrement des concerts. Ainsi qu’une formidable bibliothèque, avec de nombreuses animations.
On cloisonne trop les choses et la culture reste considérée comme relevant d’un certain élitisme. Or une belle poissonnerie bien éclairée, c’est aussi de la culture, de même qu’un bon plat. Je cherche à faire tomber cette fausse idée de la culture.
Autres atouts culturels de Trouville ? Des manques ?
L’absence de lieu dédié à la culture constitue notre manque principal. Dès lors, je fais avec ce que j’ai, dont une belle salle à la mairie et d’autres mises à disposition par le Casino (dans lequel, autrefois, existait un petit théâtre, malheureusement aujourd’hui disparu). On peut ainsi proposer des manifestations ponctuelles, mais rien de construit sur le long terme. Autre manque : il n’y a pas de cinéma à Trouville. Nous sommes donc en train d’essayer de mettre en place un petit cinéclub.
En revanche, et je l’ai déjà évoqué, nous disposons d’un très joli musée, la Villa Montebello, qui présente trois expositions par an, propose des ateliers d’arts plastiques ainsi que des rencontres musicales et des conférences.
Voilà donc ma principale ambition : disposer d’un véritable équipement culturel pour les spectacles tout en continuant à proposer des moments forts et ainsi contribuer à ce que perdure notre image de ville culturelle. Nous ne devons surtout pas perdre cela !
Sentez-vous une menace de ce point de vue ? Est-ce difficile de défendre les budgets culturels au sein du conseil municipal ?
Non, mais il faut rester attentif, vigilant et réfléchi. Il n’y a pas de difficulté à défendre le budget culture, mais parfois la conviction manque. Cela tient, je crois, au fait qu’on cloisonne trop les choses et que la culture reste considérée comme relevant d’un certain élitisme. Or une belle poissonnerie bien éclairée, c’est aussi de la culture, de même qu’un bon plat. Je cherche à faire tomber cette fausse idée de la culture.
Trouville fait partie de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie. Quelles sont vos relations avec elle ?
L’EPCI n’a pas encore pris la compétence culture et je ne crois pas que ce soit souhaitable car l’intercommunalité regroupe onze villes trop différentes. Les relations ne sont pas mauvaises mais assez distantes. Par ailleurs, le fait que le maire de Deauville soit également président de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie ne facilite pas les choses ; cela peut éveiller des craintes d’accaparement…
Quelles relations entretenez-vous avec le département du Calvados, avec la Région, la DRAC ?
Le Département et la Région nous soutiennent, ainsi que la DRAC. Ils sont présents, mais depuis la réunion des deux Normandie, nous sommes encore un peu dans l’inconnu. Cela va peu à peu se stabiliser.
Les notions de droits culturels, de participation, de diversité de la création inspirent-elles vos politiques ?
Le terme de “droits” me gêne un peu ; la culture doit être pour tout le monde. En revanche l’idée de participation m’apparaît très pertinente. Nous réunissons des commissions avec les habitants sur certaines actions et organisons aussi des collectes citoyennes pour mieux documenter le passé de la ville. Peut-être faudrait-il que nous soyons davantage engagés dans des politiques participatives. Mais on ne sent que peu d’attente. Quant à la diversité de la création, elle s’avère essentielle : il faut sans arrêt surprendre, étonner, faire découvrir. Sinon la lassitude guette.
Trouville-sur-Mer est adhérente à la FNCC depuis longtemps. Qu’attendez-vous de la Fédération ?
J’ai participé à sept moments organisés par la FNCC. A chaque fois la rencontre avec d’autres élus à la culture, les échanges d’expériences, la découverte de ce qui se fait ailleurs me sont très précieuses. Cela évite de s’engager à faux et on en sort toujours avec plein d’idées et d’intentions nouvelles. Il faut continuer.
Propos recueillis par Vincent Rouillon