La crise sanitaire, dans sa durée, a profondément modifié la perception des métiers des arts et de la culture, car leurs professionnels ont compté parmi les plus durement impactés. Et parmi eux ceux des arts visuels, plus difficiles à soutenir à cause de leur statut d’indépendants et de leur faible structuration collective qui a freiné l’instauration de mesures d’accompagnement dédiées.
A cette fragilité conjoncturelle s’en ajoute une autre, plus durable et plus structurelle. Les revenus des plasticiens, qui en tant qu’artistes-auteurs ne bénéficient pas de l’intermittence, sont essentiellement liés, outre la commande ou la vente, au droit d’auteur sur les reproductions (notamment pour les photographes et les illustrateurs) – et ce dans un univers numérique peu propice à son respect – et au droit dit « de monstration » : une rémunération pour l’exposition des œuvres rarement appliquée.
Jusqu’alors, le quotidien de la vie professionnelle des plasticiens n’était que peu visibilisée. La crise sanitaire en a montré au grand jour l’instabilité, déjà identifiée en janvier 2020 par les « Rapport Racine » (L’auteur et l’acte de création) qui soulignait la précarité, le statut imprécis et le manque de reconnaissance des plasticiens… D’où une prise de conscience qui s’est traduite par de multiples initiatives politiques.
- Renforcer la filière de la photographie. A la suite de la crise sanitaire qui a mis à jour la fragilité de la filière de la photographie, la ministre de la Culture a commandité un rapport sur les mutations auxquelles doit faire face le secteur et les mesures pour le renforcer. Avec, parmi ses 31 préconisations, le renforcement du droit d’auteur, un travail sur le statut des photographes, une meilleure reconnaissance de leur métier ou encore le développement de l’éducation à l’image… Communiqué (17/03).
- Instaurer un revenu de remplacement pour les auteurs. Le député (GDR) des Bouches-du Rhône Pierre Dharréville a déposé en février dernier une proposition de loi pour instituer un revenu temporaire (plancher à 85% du Smic) aux auteurs temporairement privés de ressources. « Le dispositif proposé serait financé au moyen de différentes sources : une cotisation sociale d’un niveau symbolique dont seraient redevables les artistes‑auteurs, l’affectation d’une fraction de CSG, ainsi qu’une contribution de la part des diffuseurs. » Dossier législatif.
- Assurer la rémunération des plasticiens. Alors que le ministère a fixé (12/2019) un barème minimum de rémunération des artistes au titre de la “monstration” de leurs œuvres dans le cadre d’une exposition monographique ou collective temporaire dans les institutions soutenues par le ministère de la Culture, la députée (LREM) d’Indre-et-Loire Fabienne Colboc a déposé en janvier dernier une proposition de loi “relative à la rémunération des artistes en arts visuels”. Le texte voudrait notamment inscrire cette obligation dans le Code de la propriété intellectuelle pour les établissements subventionnés par l’Etat. Dossier législatif.
A noter également que la loi (12/2021) de financement de la Sécurité sociale pour 2022 introduit incidemment une fragilité supplémentaire concernant les droits sociaux des artistes-auteurs dont plusieurs parlementaires se sont inquiétés.
- Le sénateur (SER) de la Loire Jean-Claude Tissot note qu’un décret de 2021, au motif d’abaisser les seuils d’ouverture des indemnités journalières au titre des droits sociaux, induit une baisse d’un tiers des droits des artistes-auteurs, avec pour conséquences une diminution de 700€ du congé maternité et une baisse de 33% des indemnités maladie. Au regard de la fragilité de ces professionnels lourdement impactés par la crise sanitaire, cet amoindrissement de leur protection sociale est particulièrement incompréhensible. Comment le Gouvernement compte-t-il rétablir un régime de sécurité sociale adapté pour les artistes-auteurs ? Question (24/03/2022).
- A propos du même décret, le sénateur (UC) de la Marne Yves Détraigne rappelle que le Parlement s’était prononcé pour la prise en compte des spécificités de ces professions par le renforcement – et non l’amoindrissement – de la protection sociale des auteurs-artistes. Le ministère entend-il réexaminer ce dossier ? Question (24/03/2022).