Skip to main content
Actualités

Pour un statut européen des métiers artistiques

Par 25 octobre 2023Aucun commentaire

Le 20 novembre, le Parlement européen examinera en plénière une “proposition de rapport” (juin 2023) pour la création d’un statut européen de l’artiste. Objectif : instaurer des normes salariales et de protection sociale minimales pour tous les pays de l’Union européenne, lisser les « différences entre les législations nationales qui créent une situation inéquitable entre artistes de l’UE » et combattre la « grande vulnérabilité des professionnels du secteur à la sous-traitance abusive, au “faux travail indépendant”, au travail sous-payé ou non rémunéré et aux contrats de rachat coercitifs », notamment dans le champ numérique. Avancées du parcours législatif complexe (rapport, propositions, résolutions, communiqués) d’une initiative juridique socialement novatrice.

La pandémie de la Covid a déclenché dans les institutions européennes trois prises de conscience : de la fragilité de la condition d’artiste (cela a notamment été le cas en France pour les artistes-auteurs), de l’importance du secteur culturel pour le dynamisme de l’économie européenne et l’identité communautaire ainsi que de la nécessité d’un soutien au-delà du traditionnel domaine d’intervention culturelle de la gouvernance de l’UE, celui du cinéma et de l’audiovisuel. C’était le sens de l’historique “Résolution du Parlement européen sur la relance culturelle de l’Europe” de septembre 2020, adoptée à la quasi-unanimité et qui demandait notamment un doublement du budget du programme Europe créative (sur le site de la FNCC, UE : la pandémie, une opportunité pour repenser l’avenir de la culture).

Légiférer sur le statut social des artistes. Dans ce même esprit d’extension du périmètre de l’intervention culturelle européenne, qui en appelait déjà à une solidarité avec « tous les créateurs et travailleurs culturels », que le Parlement européen a adopté en septembre dernier une résolution appelant la Commission européenne à créer un statut européen de l’artiste (sur le site de la FNCC) sur la base du rapport du 13 juin 2023 rédigé par la Commission de l’emploi et des affaires sociales et par la Commission de la culture et de l’éducation (à télécharger, ci-dessous).

Un mois plus tard, le 20 octobre, le Parlement vote (543 voix pour, 50 voix contre et 107 abstentions) un appel à la Commission pour qu’elle propose « un “statut européen de l’artiste” établissant un cadre commun pour les conditions de travail et des normes minimales dans toute l’UE ». Ce vote a été immédiatement suivi par le dépôt du “projet de rapport” (communiqué, 24/10). Il sera examiné lors de la session plénière de la Commission européenne à Strasbourg le 20 novembre prochain, avec une réponse exigée dans les trois mois.

Le communiqué du 24 octobre rappelle deux constats : manque de normes salariales et de protection sociale et différences entre les législations nationales qui créent une situation inéquitable entre artistes de l’UE ; le rapport souligne ainsi « que dans un certain nombre d’Etats membres, il n’existe pas de statut juridique spécifique pour l’ensemble des catégories professionnelles des secteurs de la culture et de la création ».

Le texte cite également le principe d’une “socio-conditionnalité” des aides européennes en incluant dans les programmes tels qu’Europe créative « une conditionnalité sociale permettant de respecter les obligations européennes, nationales ou collectives en matière de travail et de protection sociale ». Plus politiquement, « demande aux Etats membres de se fixer pour objectif de consacrer au moins 2% des dépenses publiques nationales aux secteurs de la culture et de la création ».

Imposer la défense de la liberté artistique. A noter que cet aspect coercitif se double d’une défense de la liberté artistique – liberté de création pour les artistes et liberté d’accès aux créations pour les citoyens – appréhendée ici comme partie intégrante de la “condition de l’artiste” (en référence explicite à la Recommandation de Belgrade de l’Unesco de 1980), via l’appel à des sanctions contre les pays de l’UE qui ne la respecteraient pas. Le projet de rapport insiste en effet (point 24) « sur la nécessité de garantir la liberté de création et d’expression artistique dans toute l’Europe » et « demande une nouvelle fois à la Commission d’élargir, dans ses rapports sur l’état de droit, l’objet du chapitre sur la surveillance de la liberté et du pluralisme des médias, afin d’y traiter de l’ensemble des questions touchant à la liberté d’expression, y compris la liberté artistique et académique ».

Etendue à l’ensemble de l’UE et dans la perspective de son futur élargissement, cette sanctuarisation de la liberté artistique, déjà effective en France (loi Liberté de création, architecture et patrimoine/LCAP, 2016), a une évidente portée politique. Par sa prise en compte dans ses “rapport sur l’état de droit”, dont dépend l’accès à ses contributions financières aux pays membres, l’UE se doterait d’un nouveau moyen de pression sur d’éventuelles dérives anti démocratiques. Un outil d’autant plus pertinent que la liberté d’expression artistique est bien souvent la première cible des gouvernances tentées par l’autoritarisme.


A télécharger
Rapport sur un cadre de l’Union pour la situation sociale et professionnelle des artistes et des travailleurs des secteurs de la culture et de la création