Petite ville de la Drôme associée à Valence Romans Agglo (54 communes et près de 222 000 habitants), Saint-Marcel-lès-Valence compte de 6 300 habitants et de nombreux festivals et événements culturels : jeune public, humour, claquettes, rock alternatif, orchestre d’harmonie, films d’animation… Patrick Zani, maire-adjoint à la culture, décrit une politique culturelle s’appuyant sur une “Commission culture extra-municipale”, associant notamment l’association plus que centenaire et également école de musique “Renaissance Musique & Théâtre”, pour construire une saison culturelle centrée sur le spectacle jeune public.
Quelles motivations vous ont-elles conduit à la délégation à la culture ?
C’est déjà mon troisième mandat municipal mais le premier en tant qu’adjoint. Bien qu’étant en activité professionnelle, j’ai accepté la proposition du maire d’assumer la responsabilité de la délégation à la culture. Elle est celle correspondant le mieux aux compétences que j’ai pu développer au cours de mon engagement municipal et à mes centres d’intérêt : je suis photographe de formation et, par ailleurs, comédien en amateur. J’ajoute que, pour ce qui est de la dimension politique, je ne suis ni militant ni encarté. Simplement, j’apprécie beaucoup l’action du maire. Il est très dynamique et prend fait et cause pour les gens du village – d’où ma réponse positive à sa proposition de me présenter sur sa liste.
Comment décririez-vous, d’un point de vue géographique et démographique votre territoire ?
Une petite commune, anciennement très agricole mais aujourd’hui plutôt périurbaine, avec un tissu semi-industriel assez important, située entre Valence et Romans, les deux grandes villes de la région. Nous sommes passés de 2 000 habitants en 1970 à plus de 6 300 au dernier recensement. La ville se compose quartiers organisés autour d’un centre-ville ancien, avec une population ni très aisée ni très pauvre. Elle accueille également une assez importante communauté turque avec laquelle nous développons des échanges culturels.
Est-il difficile de défendre les enjeux culturels au sein du conseil municipal ?
J’ai pour mission d’intéresser l’ensemble des élus à la culture et, au-delà d’une approche purement événementielle, de les convaincre qu’une action culturelle doit contribuer à éveiller la sensibilité, la créativité de chacun : quand un enfant vient me dire que telle photo lui a donné l’envie d’être photographe, pour moi c’est gagné ! Nous avons tous des potentialités d’artiste. A nous de créer les conditions pour qu’elles puissent s’exprimer. Nous avons pour cela une association, “Saint-Marcel s’expose”, qui a trente ans d’existence. Une fois par an, elle permet aux habitants de montrer leur travail, qu’elle que soit la discipline : photographie, poterie, tissage, sculpture, etc. L’exposition révèle des talents qui autrement seraient restés insoupçonnés.
Tout l’enjeu de la politique culturelle consiste à permettre à chacun de s’autoriser à s’exprimer mais aussi à tisser du lien social – une ambition qui ne va pas forcément de soi, car la culture reste souvent perçue comme un simple amusement et non pour ce qu’elle est : un véritable levier d’épanouissement personnel et de cohésion sociale. J’ai peu à peu acquis la confiance du conseil municipal, tout particulièrement celle du maire et du directeur général des services. Il faut savoir expliquer les apports durables de la culture et non simplement présenter un calendrier de manifestations. Par ailleurs, mon activité de comédien en amateur me confère une forme de crédibilité en la matière et m’aide à fédérer.
Quelle est la part de la culture dans le budget global de la municipalité ?
Pour la programmation culturelle en elle-même, cela représente environ 3% du budget global de fonctionnement. Avec les subventions que la mairie verse aux associations, cette proportion monte à 20%. Par exemple, notre association historique “La Renaissance Musique & Théâtre” est soutenue à hauteur de 80 000€, ce qui s’explique par son rôle d’école de musique ainsi que par l’orchestre d’harmonie et la troupe de théâtre qu’elle gère.
L’importance de ce budget correspond également à l’ampleur de périmètre dévolu à la délégation culture. On touche à tous les domaines de la politique municipale, soit un champ d’action quasi égal à celui du maire, l’autorité – mais aussi les obligations et préoccupations – en moins.
Quel secteur culturel soutenez-vous prioritairement ?
Avec l’adjointe au maire, lors de mon tout premier mandat, nous avons noté la densité de la programmation théâtrale à Valence et Romans ainsi que le dynamisme d’un festival de l’humour à Tournon-sur-Rhône, ici et là avec des artistes de grande notoriété. Que pouvions-nous apporter de spécifique ? Et comment concrétiser le rôle social de la culture ? Après enquête auprès des habitants et des services des mairies des alentours, nous avons opté pour une programmation jeune public, avec cinq spectacles par an, pour apporter la culture aux enfants des écoles et leur donner la première occasion d’assister à un spectacle.
L’une des particularités à Saint-Martin-lès-Valence est d’avoir mis en place une “Commission extra-municipale”…
La Commission intègre la MJC, fondée après-guerre, le pôle “Petite enfance” avec une garderie qui permet aux mères d’assister aux spectacles, l’association La Renaissance et un groupe de bénévoles. C’est ensemble que nous décidons de la programmation de la saison jeune public. Depuis cinq ans, nous avons ainsi instauré pour la Commission – avec également trois enseignantes (car ce sont elles qui sont à la manœuvre pour les élèves) – une journée au Festival d’Avignon afin d’aller voir et choisir ensemble des spectacles. Ce sont des moments merveilleux ! L’une de nos plus belles expériences a été de monter une pièce avec les CE1 et CE2 puis d’inviter des professionnels à produire le spectacle pour mesurer la différence entre la version des scolaires et la leur.
Le rôle principal de la commission est donc de construire une saison jeune public…
Exactement. Nous organisons une réunion par mois pour discuter des spectacles, notamment ceux que nous avons pu voir à Avignon. Chacun dispose d’une fiche d’identification des spectacles et donne son avis. Ces échanges permettent de confronter des points de vue différents, car ce qui s’avèrera aux yeux des enseignantes particulièrement adapté aux enfants pourra ne pas convaincre d’autres membres de la commission. Cette diversité de sensibilité contribue à enrichir la politique culturelle de la Ville.
Tout l’enjeu de la politique culturelle consiste à permettre à chacun de s’autoriser à s’exprimer mais aussi à tisser du lien social. Notre axe central consiste à faire découvrir la culture par l’émotion, par le rire, par tous et partout.
Quels sont les principaux axes de votre politique culturelle ?
L’axe central consiste à faire découvrir la culture par l’émotion, par le rire, par tous et partout. Un exemple. Il y a quelques années, Saint-Marcel-lès-Valence n’était pas associée à un événement, porté par Valence Romans Agglo, intitulé “Chemin des peintres”. Son principe était à passer de village en village pour mettre en valeur les œuvres des artistes locaux. Pourquoi n’en faisions nous pas partie ? Nous avons aussi chez nous des peintres… J’ai donc insisté. Aujourd’hui toutes les communes de moins de 10 000 habitants peuvent adhérer à l’événement, rebaptisé “Chemin des artistes”. La troisième édition aura lieu en octobre 2023.
Dans cette même perspective démocratique, nous organisons, en marge de la programmation jeune public, un cycle de trois spectacles en lien avec un festival d’humour que nous avons confiée à une association présidée par un artiste reconnu dans le monde télévisuel. Je souhaite d’ailleurs en faire un événement récurrent. Toujours selon une approche similaire, éclectique et festive, de la culture, nous avons aussi proposé cette année un festival international de claquettes, avec des ateliers d’initiation pour les enfants. Rendez-vous est déjà pris pour la troisième édition 2024…
Sur un tout autre plan, dans le but de mettre à l’honneur le travail des plasticiens et de le faire bénéficier aux plus jeunes, nous avons initié le projet des “Bancs de l’amitié”. Par cette initiative de résidence d’artiste portée par une directrice d’école maternelle, il s’agit de peindre des bancs destinés aux enfants qui, à un moment où ils se sentent un peu seuls ou n’ont pas envie de jouer, peuvent s’y assoir : alors, automatiquement (c’est la consigne), d’autre enfants les rejoignent. Une idée formidable, qui mérite d’être prise en charge non par le budget scolaire mais bien par celui de la culture !
La ville organise un Festival du film d’animation…
Nous ne sommes pas directement les organisateurs de ce festival. Il est lié à une société de production de films d’animation située à Valence et organisé par l’association L’Equipée, qui choisit des films d’animations venus de monde entier. Elle nous a demandé si nous pouvions lui prêter notre salle pour des projections – d’où, depuis maintenant une dizaine d’années, cet événement gratuit dit le “Festival d’un jour”.
Il faut préciser qu’en 2002 nous avons créé, en partenariat avec l’association Renaissance qui nous apporte le concours de techniciens son, lumières et plateau, l’Espace culturel Liberté, avec une salle d’une jauge de 500 personnes. C’est un équipement de la mairie, ce qui nous permet d’assurer la priorité de nos spectacles dans le calendrier de programmation.
Autres atouts culturels de votre commune ?
Nous avons bénéficier d’un fort soutien de la DRAC ainsi que celui de la Région et du Département de la Drôme pour construire notre médiathèque communale. Au-delà de sa fonction de bibliothèque, c’est un atout important pour la ville car elle programme de nombreux événements de qualité.
Citons également l’école de musique portée par l’association Renaissance, créée dès la fin du 19e siècle, vers 1880, à l’origine pour former les musiciens de la fanfare du village. Elle a d’ailleurs conservé la tradition du prêt d’instruments aux enfants et s’est dotée d’un chef d’orchestre, la mairie contribuant à sa rémunération.
Avez-vous le projet d’en faire un conservatoire “classé” ?
Les deux conservatoires classés proches, à Valence et à Romans, viennent de fusionner. Ils envisagent de nous envoyer des enfants pour les premiers cycles. Ce regroupement permettra de renforcer nos effectifs d’élèves, aujourd’hui en léger déclin, et aussi de contribuer à la proximité de l’offre d’enseignement de la musique.
Etes-vous également élu métropolitain ? Quels sont vos rapports avec l’intercommunalité ?
Je ne suis pas conseiller communautaire mais correspondant culture de Saint-Marcel-lès-Valence auprès de l’Agglo, d’où mon intégration au comité sur le “Chemin des artistes”. De manière générale, les liens entre la Ville et l’Agglomération sont très étroits, par exemple pour le financement d’un nouveau festival de rock alternatif. Une initiative précieuse, car jusqu’alors rien n’était proposé pour les jeunes.
Quels sont vos rapports avec le Département et la Région ?
Les relations avec le Département sont pertinentes, grâce notamment à notre conseillère communication, également adjointe départementale. Avec la Région, je vais essayer d’approfondir les liens. Je compte d’ailleurs sur l’apport de la FNCC pour être en mesure de mieux articuler la commune avec les autres instances institutionnelles.
Quelles raisons vous ont-elles conduit à adhérer à la FNCC ?
Mon directeur général des services m’a proposé d’adhérer à la FNCC. L’accord du maire a été immédiat.
Qu’en attendez-vous ?
Des échanges avec d’autres communes. Je viens de lire, par exemple, le portrait culturel de la ville d’Arbois dont la politique culturelle, basée sur l’histoire de la commune, est très intéressante. Je souhaiterais participer à des colloques, à des discussions, rencontrer d’autres élus, prendre connaissance de leurs initiatives, partager… Je rêverais, par exemple, d’échanges inter-villes, d’une région à l’autre.
Propos recueillis par Vincent Rouillon