Comment décririez-vous les particularités de votre territoire ?
J’en suis à mon troisième mandat de maire de Fareins, commune de 2 500 habitants que l’on pourrait qualifier de « rurbaine » car elle est proche de plusieurs centres urbains tels que Lyon, Villefranche-sur-Saône ou encore Bourg-en-Bresse et Mâcon. Ce que je veux dire par là, c’est que nous ne sommes pas tant que cela en manque de culture comme pourraient l’être des territoires ruraux isolés notamment parce qu’on a un système de transport qui nous permet de nous rendre dans ces centres urbains. Cela signifie aussi qu’on a des liens très forts avec les milieux artistiques et culturels de ces villes alentours, notamment avec Lyon, ce qui nous donne des possibilités d’échanges.
Quel est ou quels sont les principaux axes de votre politique culturelle ?
J’ai peut-être été élu maire parce que je me suis occupé de culture et d’associations à vocation culturelle. Je suis, avec d’autres, à l’origine du festival Jazz à Fareins qui a une bonne notoriété maintenant en région. J’ai participé à la mise en place d’une fête de la musique très dynamique avec beaucoup d’animations et de podiums dans le village. Une sorte de grande kermesse musicale. Nous avons aussi une biennale d’art contemporain, ArtFareins, à laquelle s’est ajoutée une autre biennale, ArtCarjat, qui s’intéresse à l’image, la photographie et la caricature gérée par la même association.
Quels sont vos liens avec l’intercommunalité ?
La compétence culture est bien partagée entre la Communauté de communes Dombes Saône Vallée, dont je suis également le premier vice-président à l’économie et à la culture, et les communes. Il y a un bon nombre d’initiatives culturelles qui viennent des communes mais l’intercommunalité aide, soutient voire amplifie de plus en plus les évènements. Elle a accordé des budgets pour le développement du spectacle vivant mais aussi pour la médiathèque de Trévoux et son réseau de bibliothèques communales. Par exemple, un agent de la structure intercommunale est chargé, depuis peu, d’aller dans les bibliothèques locales aider les bénévoles. La Communauté de communes a rejoint le Département et la Région pour soutenir le festival Jazz à Fareins et la Biennale d’art contemporain du village qui ont une dimension culturelle vraiment reconnue.
Quels sont vos principaux atouts culturels : tissu associatif, patrimoine, équipement… ?
Je dirais déjà qu’à Fareins, il y a une population qui est ouverte à la culture et qui est même force de proposition. Cela est possible parce que, sans que je sois toujours l’initiateur, j’essaie d’être le plus facilitateur possible. La Biennale, par exemple, est une initiative de la commune mais pas en tant que structure administrative. C’est un habitant du village, qui s’intéressait à l’art, qui est venu me voir pour me proposer l’idée. Un autre exemple est celui du festival de musique électronique Infrasaône qui a eu lieu pour la première fois en août de cette année. Ce sont quatre jeunes du village qui sont venus me voir. Ma démarche est de dire « c’est intéressant et à priori nous allons le faire », puis je les accompagne pour régler les divers problèmes inhérents au projet (montage, financement…). Comme les habitants savent que je suis assez ouvert aux propositions, ils osent peut-être plus qu’ailleursproposer leurs idées et s’investir. Notre salle des fêtes ressemble à un espace culturel car elle a été conçue pour recevoir des spectacles, avec des coulisses, des quais de chargement des décors et des panneaux pour l’acoustique. Nous avons aussi un bel édifice du 17e siècle, le château de Fléchères, et un petit château avec un parc que la Mairie a racheté et qui nous permet d’organiser beaucoup d’évènements.
Quels sont vos principaux freins : compétences, équipements, ingénierie… ?
Les freins qui me viennent à l’esprit seraient plutôt d’ordre financier et organisationnel mais j’ai tendance à penser qu’on arrive à les outre-passer. Par exemple, nous avons une zone économique dans le village qui nous a permis de créer un petit club d’entreprises qui se posent régulièrement en mécènes pour nos évènements culturels. Cela nous permet d’avoir une certaine indépendance par rapport aux institutions. La Communauté de communes nous aide également financièrement mais aussi en matière de communication et de soutien logistique. Elle peut parfois être plus réticente souvent pour des raisons juridiques.
Qu’apporte la présence des arts et de la culture dans votre territoire : animation, rayonnement, fierté, partage… ?
On ne peut pas dire qu’il y ait un réel retour économique. En revanche, il y a une certaine fierté des habitants. Par ailleurs, la commune est référencée aujourd’hui comme un territoire culturel. Nous avons notamment eu le trophée de la commune culturelle en 2018 remis par le journal Le Progrès et le Département. Le festival Jazz à Fareins, par exemple, fait rayonner notre territoire. Des gens viennent de Villefranche ou de Lyon pour y assister. Pour ce qui est de l’art contemporain, les habitants étaient parfois dubitatifs au début mais cela n’a pas duré. Quand on a installé les premières sculptures, on m’a dit « mais qu’est-ce que c’est que ce caillou ? » et maintenant qu’il y est, il ne faudrait pas l’enlever.
FOCUS SUR UNE INITIATIVE
ArtCarjat : Une nouvelle biennale dediée à l’art du portrait
Présentation du dispositif
ArtCarjat est une biennale dédiée à l’art du portrait qu’il soit dessiné ou photographié. La genèse du projet est la redécouverte de la figure d’Etienne Carjat, photographe et caricaturiste du 19e siècle, originaire de Fareins. Alors même qu’il a marqué son temps avec des portraits encore très connus de Rimbaud, de Baudelaire ou de Victor Hugo, il est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Chaque édition s’attachera à présenter un aspect de son œuvre et à le replacer dans une chronologie artistique toujours en cours aujourd’hui. Cet évènement est l’occasion d’engager une nouvelle dynamique de valorisation du patrimoine immatériel du territoire quand l’intérêt se portait jusqu’ici surtout sur le bâti avec les vieux moulins ou les anciens lavoirs.
Une dynamique artistique déjà ancrée dans le territoire
Fareins est un village déjà bien identifié sur la scène artistique. En effet, l’association ArtFareins, qui a monté le projet ArtCarjat, s’occupe également de la biennale d’art contemporain de la commune. Yves Dumoulin a voulu cet évènement comme une porte d’entrée, pour un public le plus divers possible, vers la qualité et la diversité de la création contemporaine.L’exposition accessible au plus grand nombre s’accompagne de projets de médiation comme la possibilité pour les scolaires de travailler avec des artistes en résidence. D’abord pensé pour s’installer dans le parc du château de Fareins, devenu un véritable lieu dédié à la création contemporaine, le projet essaime au-delà de la commune en associant d’autres lieux emblématiques du territoire.
Première édition d’ArtCarjat
L’édition 2024 de la biennale ArtCarjat intitulée “De la caricature à la photographie : émergence et effervescence” a bénéficié, entre autres, de financements de la Direction régionale des affaires culturelles, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et du Département de l’Ain. Elle propose de resituer la figure d’Etienne Carjat dans le contexte de développement de la presse et de la naissance d’un engouement certain pour les portraits de célébrités qu’ils soient dessinés ou photographiés.
En parallèle de cette première exposition, la Communauté de communes porte l’organisation d’un concours à destination des jeunes du territoire sur la thématique de l’autoportrait et de la caricature pour les inviter à réfléchir sur notre rapport à notre image à l’ère des réseaux sociaux. Les œuvres sélectionnées ont donné lieu à une exposition dans l’espace culturel La Passerelle de la commune de Trévoux en résonnance avec l’évènement principal.
L’importance des synergies – Le mot d’Yves Dumoulin.
Je crois beaucoup aux échanges et aux synergies dans le cadre du développement des politiques culturelles. Je trouve important, déjà, de fusionner les types d’art pour dynamiser les évènements culturels que l’on organise. Par exemple, à chaque exposition d’art, nous associons toujours un concert de jazz ou un spectacle. Ces synergies peuvent aussi se faire par la fusion de différents budgets comme les budgets social et culturel avec l’organisation du transport de personnes âgées pour assister à une représentation éloignée de leur lieu de résidence. Croiser les budgets et les types d’art nous permet de maximiser notre offre mais également de garantir à un public le plus divers possible d’y accéder.
Propos recueillis par Noémie Picard