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Portrait culturel de Champigny-sur-Marne

By 23 mars 2022No Comments

Patrice Latronche, maire-adjoint à la culture de Champigny-sur-Marne

Ville de banlieue parisienne de 78 000 habitants, Champigny-sur-Marne est une commune jeune, d’une grande mixité sociale et aussi un territoire marqué par l’Histoire, celle des batailles de la Guerre de 1870. La nouvelle équipe municipale, dans laquelle le comédien et metteur en scène Patrice Latronche est maire-adjoint en charge de la culture, entend redynamiser la vie culturelle en s’appuyant sur un tissu associatif fort, en favorisant notamment le dialogue et le partage des cultures entre la soixantaine de nationalités représentées sur son territoire.

Le mandat à la culture est-il un choix ?

Je suis comédien et metteur en scène depuis 35 ans. Le mandat à la culture est donc un choix de ma part.

Comment conciliez-vous cette situation d’être à la fois dedans et dehors de la culture ?

Au-delà de ses goûts personnels, il faut être capable de reconnaître quand il y a un vrai travail, qu’il soit amateur ou professionnel. En revanche, la connaissance du métier me donne plus de facilité pour échanger, pour comprendre les artistes. Nous sommes l’une des rares Villes qui s’engage en cas d’annulation Covid (et non de report) à verser 20% des montants des contrats de cessions, une mesure de solidarité qui découle d’une compréhension partagée.

Est-ce difficile de défendre le budget culture ?

Actuellement c’est difficile pour tous les secteurs, mais je suis pleinement soutenu. Tous les services tirent dans la même direction. Il faut revenir sur l’histoire particulière de Champigny – une ville qui a subi un amoindrissement progressif du soutien à la culture. On arrive peu à peu, avec une équipe rassemblant des personnes de tous horizons politiques ou associatifs mue par une volonté de faire bouger les choses, à redresser la situation.

Comment décririez-vous votre territoire ?

Ville très ancienne, c’est la guerre de 1870 qui lui a donné une « notoriété », car elle a été le théâtre des plus grands combats, d’où son nom alors de Champigny-la-Bataille. Une guerre dont on a commémoré cette année les 150 ans, avec une exposition en réalité augmentée, une application et la publication d’un livret sur cet anniversaire. A cette occasion, nous avons renoué les liens du jumelage avec Bernau en Allemagne dont la chorale est venue chanter avec celle de Champigny et l’orchestre de la Ville. Donc une ville où, avec Bry-sur-Marne et Villiers-sur-Marne, l’histoire a une grande importance.

Bulles Culturelles, mai 2021©V. Petit

Géographiquement, même si Paris est à 12km (avec une bonne desserte de transports en commun, laquelle va de plus se renforcer dans le cadre du Grand Paris), la ville est un peu enclavée dans la boucle de la Marne. Du point de vue de la démographie, la population augmente régulièrement, avec une forte mixité sociale et 60 nationalités représentées – d’où une grande richesse culturelle –, cinq quartiers prioritaires et 42% de logements sociaux.

Quelle est la fonction d’une politique culturelle ?

La culture sert à créer du lien et à permettre à toutes les cultures de s’exprimer et d’apporter du partage. Si on prend la musique et la danse, tout le monde comprend ces langages esthétiques. Tout le monde va comprendre une émotion.

Quelles sont les principales lignes de force de votre projet culturel ?

Qu’on échange les cultures sans devenir une seule culture, que ces échanges puissent donner naissance à d’autres cultures. Dans cette perspective, nous avons identifié trois grands axes : une politique culturelle qui touche tout le monde, qui assume d’être exigeante et dont les habitants sont les acteurs.

Bords de Marne en fête, concert Swinguez moustache ©Didier Rullier

Qu’entendez-vous par la notion d’exigence ?

Nous avons par exemple proposé à un artiste d’être en résidence pour une année en intégrant à son travail de création les centres de loisirs, l’école ou la Maison des arts plastiques pour qu’il crée avec les jeunes. L’exigence n’est pas forcément dans le résultat. Elle concerne le processus de la création en son ensemble : se donner les moyens d’y arriver, de réussir, de se tromper, d’avancer… Il faut aussi se soucier de l’écriture (plutôt que de l’expressivité immédiate), par exemple quand on propose des ateliers de chanson aux jeunes. Donc une exigence dans la démarche, en partant de ce qu’est chacun.

On sait désormais que les enjeux culturels sont transversaux. Comment prenez-vous en compte cette transversalité ?

Je suis en lien avec les autres élus, les services à la petite enfance, sur les questions générationnelles, de la jeunesse, les questions sociales, l’urbanisme, l’économie. Mais effectivement, il y a des habitudes prises de travail en silo – ce qui a pu donner lieu à des aberrations – dont il faut se défaire. Nous nous attachons à la transversalité et les services nous accompagnent de mieux en mieux sur cette manière de travailler.

Une place particulière à l’espace public ?

On travaille beaucoup sur les expositions. Pour l’espace public, on multiplie les événements, comme le festival “Cours et jardins” (2 000 spectateurs), avec des présentations artistiques de professionnels et d’amateurs ou encore « La Foire au Troc et aux Cochons » (qui a attiré 40 000 personnes cette année). Nous organisons aussi de gros événements en extérieur, notamment pendant les dix jours que dure “Champigny Plage”, avec des concerts et des spectacles, notamment pour les enfants et les familles.

Il y a la nécessité de transformer nos communes en zones d’attractivité, culturelle et autre. Si on montre qu’il s’y passe des choses fortes, avec des démarches de qualité, les habitants réinvestiront les cafés, les lieux publics.

Développez-vous une action spécifique autour du cinéma ?

Nous avons une convention avec la société Mégarama pour le Studio 66 – qui fait une programmation diversifiée mais aussi des séances art & essai. Nous organisons en partenariat avec le cinéma “Mon jeudi cinéma”. Des films sont proposés soit par une personne du service culturel, soit en fonction des propositions des Campinois, suivis d’un débat à la fin de la projection avec des invités : des associations pour le handicap, pour l’écologie, des réalisateurs, acteurs, producteurs… On participe également à “Ciné Junior”, le festival du Val-de-Marne dont nous sommes le plus gros pourvoyeur de jeunes spectateurs.

Visite guidée au musée de la Résistance nationale ©Didier Rullier

Champigny est une ville jeune. Y a-t-il une scène de musiques actuelles ?

A Champigny, il n’y a ni Smac ni scène nationale… aucune scène labellisée. Nous avons donc repris contact avec la DRAC, au moins pour que notre conservatoire retrouve sa labellisation de rayonnement communal ou encore pour les fonds du musée de la Résistance. La DRAC est désormais présente sur tout un ensemble de projets et dispositifs, dont un projet chorégraphique sur le genre, en lien avec un lycée.

Quand je suis arrivé, j’ai demandé ce qu’on monte une programmation de “concerts à la bougie” jazz une fois par trimestre. Mais il est vrai qu’une scène adaptée aux musiques actuelles manque. Cela fait partie des projets. On a également introduit au conservatoire quelques instruments des musiques actuelles. Et je voudrais développer une proposition de cours ou d’ateliers sur la comédie musicale – tout le monde le demande – avec du chant, de la danse… La diversité musicale doit être présente dans les écoles et bénéficier du soutien de la municipalité. On a mis en place un projet Démos, des orchestres à l’école.

Quels sont vos principaux atouts ?

Parmi les atouts, les nombreux équipements dont nous avons hérité, le point faible étant qu’ils sont en très mauvais état – d’où beaucoup de frais de travaux. Nos atouts sont la diversité des cultures et des équipements mais aussi un service culturel concerné ; les personnels étaient vraiment en attente que les choses bougent. Nous avons trois salles de spectacle, deux Maisons pour tous dotées chacune d’une salle de spectacle, trois conservatoires, une Maison des arts plastiques, le musée de la Résistance nationale, trois médiathèques, un cinéma, une Biennale d’art contemporain dont c’est cette année la 18e édition, sans compter l’attractivité des bords de Marne qui permet d’organiser les activités culturelles et sportives du dispositif “Croquez l’été”. Les outils sont nombreux pour que les gens viennent à la culture et qu’elle aille vers eux.

« Carminho » au Théâtre Gérard Philippe ©V.Petit

Quelle est la place de la vie associative ?

Le travail avec les associations – dont le rôle s’avère absolument nécessaire – est tout d’abord d’amener les habitants à aborder la culture, même sans encore en fréquenter les équipements. Nous menons dès à présent, malgré le contexte pandémique, ce travail pour que la culture puisse déjà être disponible en extérieur, que les gens puissent la côtoyer. Nous avons par exemple créé en mai-juin dernier les “Bulles culturelles”, des manifestations en extérieur, sur le principe de la surprise : sans que ce soit annoncé, des artistes de musique, de cirque de théâtre… viennent se produire 10 minutes, en s’appuyant sur les professeurs des écoles d’art, sur les artistes résidant à Champigny-sur-Marne. Nous allons les reprendre cette année, même s’il n’y a plus de confinement, car les gens attendent cela, de la culture en extérieur, sans l’avoir demandé.

La Covid a-t-elle rapproché la municipalité des acteurs locaux ?

En effet : plus on trouve des choses autour de chez soi – activités culturelles, sportives ou autres –, plus nombreux seront celles et ceux qui s’y engageront. L’idée est aussi de s’occuper directement des nombreux artistes résidant à Champigny, d’autant plus que, jusqu’à présent, ils n’étaient nullement sollicités, alors que beaucoup sont reconnus et compétents. Il serait dommage de se priver d’une telle richesse.

En cette période d’élection présidentielle, auriez-vous une attente précise de la part de l’Etat ?

Il y a bien des choses à faire à Champigny et je n’ai pas encore réfléchi en détail à ce que l’Etat culturel peut apporter. Mais il me semble qu’il doit mieux nous accompagner, notamment pour l’entretien de notre patrimoine et aussi pour la création de lieux culturels.

Estimez-vous qu’il manque des espaces de concertation entre collectivités ?

Pour le moment, mon espace de concertation, c’est la FNCC.

Vous venez d’adhérer à la FNCC. Qu’en attendez-vous de la FNCC ?

J’essaie d’y participer dès que je le peux, pour partager et écouter les expériences des uns et des autres. J’attends aussi de la Fédération qu’elle porte fortement ses revendications, toujours légitimes. Tout ce que propose la FNCC est intéressant. On entend des avis différents, on voit des projets inventifs, on suit l’actualité via les documents d’informations. C’est mon réseau de référence. Certes, les problématiques peuvent varier des uns aux autres ; celle des communes rurales, par exemple, sont loin de celles d’une ville de banlieue parisienne. Mais avec peut-être ce point commun : la nécessité de transformer nos communes en zones d’attractivité, culturelle et autre. Si on montre qu’il s’y passe des choses fortes, avec des démarches de qualité, les habitants réinvestiront les cafés, les lieux publics. Voilà ce que nous défendons à Champigny-sur-Marne.

Propos recueillis par Vincent Rouillon