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ActualitésQuestions territoriales

Politiques culturelles intercommunales en 2021

By 23 novembre 2021No Comments

C’est aussi un effet de la crise sanitaire : questionnée sur son caractère “essentiel”, la culture s’est révélée indispensable à la vie sociale et incontournable pour les instances politiques quelles qu’elles soient. Une enquête approfondie de l’Association des communautés de France (AdCF), finalisée cet automne, mesure, près de quinze ans après une première étude (2008), la forte progression de la prise en compte des enjeux culturels par les intercommunalités de toute nature (communautés de communes, communautés d’agglomération, métropoles et communautés urbaines). Ce dont témoigne notamment ce chiffre politique : 92% des EPCI se sont dotés d’un service culturel dédié. Quelques éléments.

Comment ? La première question – la plus sensible, car une concurrence peut parfois s’élever entre les communes, toujours fortement majoritaires dans le soutien à la culture, et leurs intercommunalités – est celle de la finalité des initiatives culturelles communautaires : construction/gestion d’équipements (phase initiale de l’action culturelle intercommunale) ? Ou projet proprement politique : animation et valorisation culturelle du territoire ? Avec la mise en avant d’un principe, celui de la subsidiarité ou “plus-value” – soit apporter sans remplacer – dont l’étude identifie trois formes concrètes :

  • la mise en réseau (notamment pour les bibliothèques),
  • l’itinérance sur l’ensemble des communes du territoire,
  • l’offre culturelle hybride : les tiers-lieux, micro-folies, musées numériques…

Plus généralement, alors que dans le cadre des projets des équipes de communautés de communes en place seules 33% envisagent une action de soutien aux initiatives culturelles de leurs communes membres (mais 59% pour les équipes des EPCI urbains, souvent en situation de ville-centre), près de 70% se concentrent davantage sur la formalisation ou l’actualisation d’un “projet culturel de territoire” (69% en rural, 63% en territoire urbain).

Une vision “structurante” qui se traduit aussi via l’association croissante des politiques culturelles avec les politiques touristiques ou sociales. Elle succède, pour ainsi dire, à une ambition bâtisseuse et gestionnaire aujourd’hui en grande partie réalisée : 98% des EPCI gèrent des bibliothèques (un taux qui a doublé depuis 2008), et 96% des établissements d’enseignement artistique initial (essentiellement des écoles de musique).

Pour qui ? Les “cibles” des politiques culturelles communautaires tentent aussi d’appliquer le principe de subsidiarité en s’adressant prioritairement, surtout en territoire rural, à des groupes sociaux définis plutôt qu’aux habitants en général : 87% des communautés de communes rurales et 75% des EPCI urbanisés interviennent auprès de groupes scolaires, mais aussi, respectivement, 82% et 56% vers la petite enfance.

Avec qui ? Par nature, les intercommunalités travaillent en partenariat, tout d’abord avec leurs communes membres mais aussi avec d’autres acteurs ou institutions. Le Département coopère avec 70% des intercommunalités et 60% des communautés d’agglomération, communautés urbaines ou métropoles. Des chiffres approchants concernent les partenariats de long ou moyen terme avec les DRAC et l’Education nationale. En revanche, les liens avec les Régions s’avèrent plus ponctuels.

Vers où ? L’étude se clôt par un constat sociopolitique qui met au principe des politiques culturelles non seulement la démocratisation de l’accès à la culture – elle « ne répond plus totalement aux nouvelles pratiques culturelles et à la diversité des attentes » – mais les droits culturels. Un changement de doctrine qui peut conforter les pratiques d’instances politiques par nature coopératives. Aux yeux de l’AdCF, l’avenir des politiques culturelles intercommunales passera par la collaboration avec les autres niveaux de collectivités territoriales ainsi que par celle avec les acteurs culturels, professionnels et artistes, « en les associant au processus de décision ou en proposant aux habitants de participer à l’élaboration d’un projet culturel de territoire ».

Les moyens ? Dans sa “Note de conjoncture sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales et leurs groupements (2017-2019)”, l’Observatoire de politiques culturelles (OPC) posait la question suivante : « Le développement de l’intercommunalité culturelle permettra-t-il de déployer des moyens autres que ceux simplement générés par les transferts de charges des communes vers les EPCI ? » L’enquête de l’AdCF semble y répondre par l’affirmative, même s’il est notoire qu’au-delà des chiffres synthétiques, l’engagement culturel intercommunal se caractérise par de grandes disparités, selon les territoires et selon les natures d’EPCI.

De ce point de vue, l’étude est autant un appel à engagement qu’un constat. Ce que rappelle le chiffre qu’elle donne de l’effort financier culturel des intercommunalités : 5 à 6% de leur budget total (12% de celui des métropoles). Un chiffre à mettre en regard, d’une part, avec la source communale des budgets des EPCI et, d’autre part, avec ce chiffre de l’OPC : en 2019, les grandes villes consacraient à la culture entre 9,3% et 21,2% de leur budget à la culture.

L’avenir ? L’OPC fournit des données plus récentes (“Note de conjecture  2019-2021”). Elles confirment la croissance continue des budgets culturels des intercommunalités mais indiquent cependant – est-ce un effet passager dû à la crise sanitaire ? – un certain fléchissement (ou stabilisation) pour les métropoles : « Si le profil général reste à la stabilité, le nombre de métropoles qui annoncent des hausses est plus faible cette année » (2020). Ainsi que pour les autres formes d’EPCI : « On constate un recul du nombre de celles qui annoncent des budgets en hausse. » Les années qui viennent seront décisives. D’où la pertinence de l’étude de l’AdCF. Elle vient à point nommé rappeler l’importance des enjeux des politiques culturelles publiques et de la coopération territoriale.


A télécharger
“Politiques culturelles et intercommunalités : état des lieux et perspectives (septembre 2021)”