On aurait pu penser que l’harmonie était une pratique en déclin, et certes les musiques actuelles, traditionnelles ou ‘‘du monde’’ ont sans aucun doute davantage le vent en poupe et, pour ce qui est de la pratique collective, les batucadas et les big bands de jazz semblent plus appropriés à l’esprit multiculturel du temps. Mais non, enfin pas tout à fait. L’évocation de quatre harmonies de Villes adhérentes à la FNCC permet de cerner quelques raisons expliquant l’attrait persistant des orchestres d’harmonie.
– Dans une société fortement individualiste, d’autant plus génératrice de solitude qu’elle est mondialisée, toute forme d’identification collective apporte une proposition de douceur, de fusion apaisante du ‘‘je’’ dans le ‘‘nous’’. Les harmonies offrent un havre de paix collective en fort contraste avec l’esseulement croissant des vies singulières dont a notamment témoigné brutalement l’enquête de la Fondation de France sur la solitude de 2011 (cf. la Lettre d’Echanges n°73).
– En contraste avec cette primauté de l’être-ensemble par la musique, et non pour elle, le succès des harmonies est aussi directement corrélé à la qualité de leur niveau musical grâce à la professionnalisation de leur encadrement : un chef professionnel et souvent quelques musiciens de métier entraînant des amateurs de bon niveau ou des grands élèves de conservatoire. L’harmonie permet de répondre positivement à cette question lancinante : y a-t-il une vie musicale après le conservatoire ?
– Car là réside une troisième raison de la résilience des orchestres d’harmonie : leurs liens avec les écoles de musique rendus nécessaires par l’évolution d’une pédagogie musicale prônant la pratique d’ensemble. Peut-être faut-il ajouter que si les harmonies ont besoin des conservatoires pour renouveler leurs effectifs, les conservatoires ont besoin des harmonies pour recruter des élèves en leur proposant un débouché musical effectif. Si les harmonies disparaissent, une part certaine de la raison d’être des conservatoires s’évanouit. Le lien originel entre les harmonies et les écoles de musique, les premières ayant souvent fondé les secondes, continue, de manière parfois inversée, à opérer.
– Enfin, l’intérêt des élu.e.s pour les harmonies est manifeste. On parlait autrefois de la Musique de la Ville. En un sens, l’harmonie révèle une vérité politique : la commune reste le noyau dur de l’identité territoriale. Il y a certes des orchestres régionaux, parfois des chœurs départementaux. Mais ‘‘l’âme’’ musicale des villes, elle, s’exprime très fortement par les harmonies qui, d’ailleurs, assument des fonctions municipales commémoratives indispensables. Une perspective peut-être : l’harmonie ne serait-elle pas l’un des moyens de faire exister aussi l’identité intercommunale, cette réalité territoriale qui peine encore à faire sens ? Le renforcement en cours de la structuration intercommunale prélude-t-il à un renouveau des orchestres d’harmonie ? Cela exigerait en tout cas le maintien, voire le renforcement, de leur soutien par les pouvoirs publics.
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La rubrique « Echos des adhérents des Lettres d’Echanges n°77, 79 et 81 (2011) évoque les harmonies et fanfares municipales des villes de Nogent-sur-Marne, La Celle-Saint-Cloud, Belfort et Le Havre.