Sénat. Le premier examen en séance publique, avec vote, du projet de loi sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, le 24 janvier, a permis aux sénateurs de présenter les principaux amendements concernant l’impact de ce texte sur les événements culturels. Quatre amendements ou groupes d’amendements, tous rejetés, ont été examinés : la création d’un comité de suivi national, une garantie de sécurisation de l’été culturel, la limitation à la période olympique de l’expérimentation sécuritaire et la publication d’un rapport d’évaluation sur l’impact de cette législation ad hoc, notamment sur les surcoûts pour les collectivités et les organisateurs d’événements culturels. Extraits des échanges au Sénat.
1. Comité du suivi national
Insérer un article additionnel avant l’article 6 :
- « A titre temporaire, à partir de la date de publication de la présente loi et jusqu’à la date de clôture des Jeux paralympiques, il est institué un comité de suivi national chargé de veiller à la conciliation de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 avec la préservation des manifestations culturelles, sportives et récréatives. Il garantit la transparence et la cohérence des décisions mises en œuvre et s’assure de leur application dans les territoires.
Ce comité comprend un représentant du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, un représentant du ministère de la Culture, un représentant du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, deux représentants des collectivités territoriales, et cinq représentants des associations et organisations intervenant dans le domaine du spectacle vivant, musical et de variétés. »
Sylvie Robert : « Cet amendement crée un comité de suivi national pour veiller à la conciliation entre l’organisation des JOP et la préservation de nos manifestations culturelles, sportives et récréatives. Ce comité de suivi, réclamé par les acteurs culturels et les collectivités, pourrait statuer sur la possibilité de tenir certains événements et trouver des solutions. Nous avons tous à cœur que les JOP soient une fête sportive et culturelle. Ne laissons pas la tenue des événements à la discrétion des préfets. »
Réponses d’Agnès Canayer, rapporteure : « Avis défavorable. La création d’un tel comité ne relève pas de la loi, mais du Gouvernement. » Et de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra : « Il faut rechercher un équilibre entre sécurisation des JOP et maintien des événements culturels. Nous avons déjà ajusté certaines dates, notamment pour le festival d’Avignon, les ligues 1 et 2 de football, le Tour de France et le Top 14. Ces ajustements se font sous la houlette des préfets. Votre amendement est donc satisfait. »
Sylvie Robert : « Je ne m’estime pas satisfaite. Les préfets ont des appréciations variables, même si la circulaire appelle à trouver des solutions. Ce comité national est réclamé par trente organisations et par l’ensemble des associations de collectivités territoriales. »
L’amendement n’est pas adopté.
2. Sécuriser l’été culturel
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
- « Durant toute la durée des épreuves des Jeux olympiques et paralympiques, le représentant de l’Etat dans le département veille à la préservation de la vie estivale locale, en maintenant la tenue des événements culturels, festifs et sportifs dont la sécurisation est assurée par les organisateurs ou par des forces intérieures locales [sans recours aux Unités de forces mobiles]. »
Monique de Marco : « L’annonce d’annulations d’événements a suscité l’émoi des organisateurs de festivals. Le droit à la culture est constitutionnel, consacré par le Préambule de 1946. Après la crise sanitaire, cette nouvelle incertitude est un coup dur – en témoignent les inquiétudes exprimées lors des Biennales du spectacle vivant à Nantes. L’interdiction doit rester l’exception ! Aucune interdiction ne doit affecter les départements qui n’accueilleront pas d’épreuves olympiques. »
Réponses de la rapporteure : « Avis défavorable, mais entendons-nous bien : l’inquiétude est réelle, et les élus doivent être rassurés. Ces amendements seraient peu opérants. Il faut que le préfet puisse décider au cas par cas, après dialogue avec les élus et les organisateurs. Nous appelons le Gouvernement à rassurer. » Et de la ministre des Sports : « Avis défavorable. Le cœur de la responsabilité du préfet est d’organiser ce dialogue avec les élus locaux pour concilier sécurité et culture. »
L’amendement n’est pas adopté.
3. Borner l’expérimentation sécuritaire à la période des JOP
Article 7 :
- « A titre expérimental et jusqu’au 30 juin 2025, à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs autorisées peuvent faire l’objet de traitements comprenant un système d’intelligence artificielle. »
Sylvie Robert : « Nous voici au cœur du réacteur – ou du cheval de Troie. Nous tendons vers une société de surveillance généralisée, où chacun pourra être identifié sur la voie publique. Quelles garanties pour prévenir une fuite en avant ? Je salue le travail de la commission des lois, qui a mieux encadré le dispositif, emboîtant le pas à la Cnil. Certains points peuvent être améliorés, comme la durée de l’expérimentation : pourquoi la prolonger jusqu’à un an après la fin des JOP ? La cohérence voudrait qu’on arrête l’expérimentation à la fin des JOP, qu’on l’évalue, puis que le Parlement se prononce sur sa généralisation. Pourquoi, de plus, étendre l’expérimentation aux manifestations culturelles et récréatives ? »
Réponses de la rapporteure : « Avis défavorable. L’article 7 représente certes une innovation majeure, mais aidera beaucoup les forces de l’ordre à sécuriser les grandes manifestations sportives, culturelles et récréatives. Les JOP en seront un accélérateur. Eu égard au risque terroriste encore très élevé et à l’ampleur de cet événement inédit, cette expérimentation est utile. Elle est encadrée par de nombreuses garanties. » Et de la secrétaire d’Etat Sonia Backès : « L’algorithme doit être entraîné ; c’est pourquoi il faut du temps et plusieurs grands événements pour fonder une évaluation du dispositif. La question du traitement des mouvements de foule est au cœur des préoccupations du Gouvernement. Cet article y répond. Et l’extension aux manifestations culturelles et récréatives répond à une demande du Conseil d’Etat. »
L’amendement n’est pas adopté. Vote de l’article 7 : 243 pour, 27 contre.
4. Rapport d’évaluation sur les surcoûts sécuritaires pour les collectivités et organisateurs culturels
Ajouter après l’article 11 :
- « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport examinant les surcoûts identifiables et spécifiques pour les collectivités locales ainsi que pour les organisateurs des manifestations sportives, récréatives et culturelles lorsque ces derniers recourent aux dispositifs de sécurité relatifs respectivement à l’utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées par des dispositifs de vidéoprotection ou des aéronefs afin de détecter et signaler en temps réel des évènements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes et la possibilité de mettre en place des scanners corporels à l’entrée des enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs.
Ce rapport examinera également les modalités de compensation ou d’accompagnement financières d’intervention pérennes destinées aux collectivités locales ainsi qu’aux organisateurs des manifestations sportives, récréatives et culturelles lorsque l’emploi du traitement algorithmique et la mise en place de scanners corporels sont autorisés à l’initiative du représentant de l’Etat dans le département ou à Paris, du préfet de police, afin de leur permettre de supporter les charges financières relatives à l’usage ou à l’acquisition de ces dispositifs de sécurité. »
Sylvie Robert : « Nous souhaitons alerter le Gouvernement : élus locaux et organisateurs de grandes manifestations sont inquiets des surcoûts liés à la sécurisation de leurs installations. Les caméras augmentées auront un impact économique et financier pour les communes. A combien s’élève le coût de la sécurisation des JOP ? L’Etat va-t-il aider les collectivités territoriales à mettre en place ces nouveaux dispositifs ? »
Réponse du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin : « La Cour des comptes suit à l’euro près le fonctionnement du ministère de l’Intérieur dans le cadre des JOP. Vous avez voté, dans le cadre de la Lopmi [Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, janvier 2023], 200M€ de crédits spécifiques sur la sécurité des Jeux. Les caméras de vidéoprotection sont payées par les collectivités territoriales. […] Personne n’oblige une collectivité territoriale à avoir des caméras de vidéoprotection et il n’est écrit nulle part que nous pourrions exiger quoi que ce soit pour organiser un festival. Si un préfet le faisait, le tribunal administratif annulerait sa décision pour excès de pouvoir. »
L’amendement n’est pas adopté.