Ce travail du Sénat, pour lequel le président de la FNCC a été auditionné, a été initié dans le cadre du projet de loi dit “3D” (décentralisation, différenciation et déconcentration). Donc avant la crise sanitaire, c’est-à-dire, pour ce qui est de politiques culturelles, avant l’instauration des Conseils des territoires pour la culture (CTC) locaux tels qu’ils viennent de se réunir de fin avril à début mai dans toutes les régions métropolitaines. Dans le contexte actuel, les conclusions des sénateurs Antoine Karam (LREM, Guyane) et Sonia de la Provôté (UC, Calvados) contenues dans leur rapport rédigé pour la mission d’information sur les “Nouveaux territoires de la culture” apparaissent prémonitoires.
Double constat négatif. Pour développer les politiques culturelles, d’une part, plus de coopération entre collectivités et avec l’Etat est nécessaire ; or de ce point de vue les Conseils des territoires pour l’action publique (CTAP) et leurs commissions culture voulus par les lois NOTRe et LCAP s’avèrent être un échec : au mieux des « grands-messes peu opérationnelles ». D’autre part, les services déconcentrées du ministère de la Culture ne sont pas en mesure d’accompagner efficacement les collectivités et surtout les communes, lesquelles financent majoritairement la culture : « Les faibles marges de manœuvre dont souffrent aujourd’hui les DRAC ne leur permettent pas suffisamment de soutenir les initiatives culturelles menées au niveau local dans leur diversité. »
Les CTC locaux, la réponse appropriée. Ces deux freins au développement des politiques culturelles locales – auxquels il faut ajouter celui des « réponses seulement ponctuelles » et coûteuses que sont aux yeux des sénateurs le Pass culture et les Micro-folies – pourront être débloqués en créant une instance de concertation efficace et de proximité entre collectivités et avec l’Etat. D’où ce plaidoyer pour ce qui est désormais une réalité : des Conseils des territoires pour la culture locaux (instances réunissant des représentants des associations de collectivités et les DRAC) : « Cette déclinaison se justifierait d’autant plus qu’elle permettrait de reconnaître le rôle joué par les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des politiques culturelles définies au niveau national et garantirait une meilleure prise en compte par l’Etat des besoins et spécificités de chacun des territoires. »
Des crédits des DRAC mobilisables par les collectivités. Mais les sénateurs vont plus loin encore, avec une proposition financière inédite et qui ne manquera pas de susciter des réactions : « Il serait souhaitable que les collectivités territoriales disposent d’une plus grande liberté dans la mobilisation des moyens, y compris d’une partie des crédits déconcentrés en DRAC », et ce à condition que les moyens humains et financiers des services culturelles déconcentrés de l’Etat soient renforcés. La solution serait ainsi d’« approfondir la décentralisation culturelle en donnant plus de liberté aux collectivités territoriales ». Et notamment d’exclure les dépenses culturelles des collectivités pour la mise en œuvre des nouvelles politiques culturelles gouvernementales (comme par exemple l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques…) de leurs contractualisations financières avec l’Etat, en particulier du “pacte” qui plafonne à 1,2% l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement.
Il serait souhaitable que les collectivités territoriales disposent d’une partie des crédits déconcentrés en DRAC.
Des déclinaisons des CTC avec les acteurs culturels. Ajoutons enfin que la nature prémonitoire des recommandations des sénateurs rejoint la récente proposition de la FNCC d’organiser les CTC locaux en deux temps distincts : « un premier temps réservé aux représentants des associations d’élus, suivi d’un deuxième ouvert aux professionnels de l’ensemble des secteurs des arts et de la culture » (communiqué du 27/05). Le rapport plaide en effet pour « l’organisation en parallèle de réunions au niveau territorial entre les collectivités publiques et les acteurs culturels sur des thématiques particulières ». Ce serait là un moyen de mieux identifier les enjeux au niveau local et de faciliter la structuration des filières, « tout en préparant les réunions des CTC ». Sur ce dernier point, le calendrier proposé par le rapport inverse celui avancé par la FNCC…
On sait aujourd’hui que l’impact de la crise sanitaire sur la vie culturelle des territoires aura des effets négatifs à long terme. Les associations d’élus et les DRAC ont anticipé les préconisations de la commission culture du Sénat pour se mettre en mesure d’y répondre. Ce qui était un souhait – des Conseils des territoires pour la culture locaux – est devenu, dans l’urgence, réalité. Sauront-ils faire la preuve de leur efficacité dans la durée ? C’est ce pour quoi milite la FNCC.
Le rapport du Sénat sur les Nouveaux territoires de la culture