Ville de 70 000 habitants de Petite Couronne parisienne (Hauts-de-Seine), Issy-les-Moulineaux est le berceau de l’aviation. Une tradition d’innovation que prolonge aujourd’hui l’implantation de nombreuses start-up et dont le dynamisme est confirmé par une croissance démographique continue. Cette vitalité s’accompagne d’une vie culturelle propre, placée sous le signe de la proximité, avec pour ambition le développement d’une identité territoriale spécifique, conçu en complémentarité avec une offre parisienne inégalable mais pas forcément accessible à tous. Pour Fabienne Liadzé, maire-adjointe à la culture et membre du Bureau de la FNCC, aux côtés de l’objectif de rayonnement de la ville, les enjeux culturels sont avant tout ceux de la démocratisation, laquelle va de pair avec un soutien volontaire – d’autant plus indispensable en période de crise sanitaire – aux artistes implantés à Issy-les-Moulineaux.
La nouvelle équipe municipale d’Issy-les-Moulineaux s’inscrit-elle dans la continuité ?
Cette nouvelle équipe, largement renouvelée, s’inscrit dans la continuité de ce qui a été entrepris lors des mandats précédents, tout simplement parce que la richesse de la vie culturelle isséenne est le fruit d’une longue histoire, de partenariats noués de longue date, de la construction d’un réseau d’équipements culturels qui sont sortis de terre au fil du temps. Pour autant, les nouveaux élus apportent leurs contributions qui viennent enrichir la réflexion et, in fine, la programmation.
Quelle est la particularité de votre territoire ?
Située au sud-ouest de la Capitale, aux portes de Paris et en bordure de la Seine, la ville d’Issy-les-Moulineaux a su transformer radicalement son territoire, répondre aux enjeux de développement urbain et économique, tout en conservant et valorisant son patrimoine matériel et immatériel.
Depuis plus de 30 ans, la ville d’Issy offre un visage en pleine mutation, en réhabilitant des quartiers entiers. Ainsi, plus de 40% de la superficie de la ville, à l’état de friches industrielles ou simplement inaccessibles, a donné lieu à l’aménagement de nouveaux quartiers, pour lesquels le respect de l’environnement et l’accès aux nouvelles technologies sont les maîtres-mots : une ville respectueuse de son environnement, une ville métropole de la communication.
Aujourd’hui, Issy ne cesse d’attirer de nouveaux habitants, plutôt des cadres et des cadres supérieurs travaillant dans des start-up, ETI et multinationales, en recherche de qualité de vie et de services, et des entreprises séduites par son dynamisme.
Quelle est la fonction d’une politique culturelle de manière générale ? En temps de crise sanitaire ?
Les buts de la politique culturelle que nous menons peuvent se synthétiser en quatre mots : démocratisation, émancipation, rayonnement et soutien aux artistes.
Je pourrais ajouter que la vie culturelle est indissociable de l’identité d’une ville et qu’elle peut être un facteur d’attractivité, de dynamisation et de valorisation d’un territoire. Ces deux dernières préoccupations sont moins prégnantes puisqu’Issy est déjà une ville très dynamique ! Pour autant, exister culturellement à côté de la capitale parisienne n’est pas une mince affaire. Nous tâchons de cultiver notre identité faite de proximité (nos équipements culturels sont ouverts les dimanches) et d’innovation (le Cube, inclusion des dernières technologies numériques dans tous nos processus comme le prêt ou le retour de documents dans nos médiathèques, etc.).
S’agissant de la crise pandémique qui affecte durement le monde culturel et les artistes, la ville a effectivement une responsabilité et le soutien aux artistes prend une part significative dans mon action, par le biais d’engagements, de commandes d’œuvres, de résidences, de soutiens financiers, de rémunération du droit de présentation publique des œuvres qui sera mis en place lors de la prochaine Biennale d’art contemporain, etc.
Les principales lignes de force de votre projet ?
La politique culturelle d’Issy-les-Moulineaux a vocation à s’adresser à tous les publics au travers d’une programmation exigeante, pluridisciplinaire et intergénérationnelle proposée par les structures mais également déployée hors les murs : une programmation mêlant musique (avec notamment les concerts de la scène de musiques actuelles Le Réacteur), danse, théâtre, humour, comédie… et une dense vie festivalière : Festival du Livre, Festival Issy T’Anime, Festival Ludissyme, Fête mondiale du Jeu, Semaine de la Francophonie… A cette offre de spectacles s’ajoutent les expositions du musée français de la Carte à jouer, la Biennale d’art contemporain d’Issy, des grands cycles de conférences et les animations des médiathèques (concerts, cours de langue, soirées littéraires…).
Autre priorité de la municipalité, une attention particulière à la jeunesse, en favorisant l’accès à la culture dès le plus jeune âge : lecture publique avec les bibliothèques et centres de documentation, art muséal avec l’accueil des scolaires au musée de la Carte à Jouer, art contemporain avec les Arcades, sensibilisation musicale auprès des élèves scolarisés…
La formation professionnelle constitue aussi un pan important de la politique culturelle isséenne : le Conservatoire d’Issy-les-Moulineaux possède un département formation et insertion professionnelle qui propose des actions auprès des élèves des cycles 2 et 3, la découverte des métiers de la musique et de la culture autour d’ateliers et d’un forum des métiers. Le Réacteur accompagne les jeunes en musiques actuelles vers la professionnalisation au niveau artistique et administratif. Quant à l’école Les Arcades, elle porte les étudiants au seuil de leur carrière professionnelle : chaque année, 100% de la promotion intègre une école d’art prestigieuse dans le monde entier.
Enfin, l’ensemble de cette offre est tourné vers l’innovation : le musée de la Carte à jouer a été le premier d’Ile-de-France à s’équiper, en 2016, de la technologie Li-Fi (Internet par la Lumière) et héberge depuis deux ans un incubateur de startups culturelles novatrices, l’IESA Incub’ (Ecole internationale des métiers de la culture et du marché de l’art). Depuis 2018, la médiathèque du centre-ville dispose d’un espace numérique dédié à la jeunesse, Numérimôme, composé de tables interactives, fauteuils d’écoute, applications de jeux éducatifs… Sans oublier la micro-folie de la médiathèque Le Temps des Cerises.
Est-ce difficile de défendre les enjeux culturels au sein du conseil municipal ?
Non, car la culture est un des piliers de la politique municipale. Notre maire, André Santini, porte une attention particulière à l’offre proposée aux Isséens et à son accessibilité. A titre d’exemple, chacune des trois médiathèques, ouvertes du mardi au dimanche, est située à moins de 20 minutes à pied de chaque Isséen.
Les droits culturels et les enjeux environnementaux contribuent-ils à la structuration de votre projet ?
Comme la capitale, Issy est cosmopolite et prend naturellement en compte les propositions des artistes locaux qui viennent de tous horizons et valorise la production artistique locale, représentant ainsi la diversité culturelle de sa population.
Depuis plusieurs années, les médiathèques s’attachent dans leur programmation culturelle à valoriser les enjeux autour de la protection de la nature, du recyclage et de l’économie circulaire et à appliquer les principes de réutilisation et d’économie des ressources. La création d’une direction Ville durable favorise la prise en compte des enjeux environnementaux et la valorisation des actions menées au sein de la Direction de la culture.
Accordez-vous une place et/ou fonction particulière aux arts dans l’espace public ?
Nous avons l’ambition d’amener l’art à la rencontre du public, avec notamment l’installation d’œuvres d’art contemporain dans l’espace public à l’occasion de la Biennale, le Festival Issyart dédié aux arts urbains et un parcours architectural proposé par l’Office Tourisme qui permet de découvrir les nombreuses œuvres présentes dans l’espace public.
Quels sont les principaux atouts de votre commune, ses faiblesses ?
Notre force, ce sont nos équipements culturels qui sont très populaires car très ancrés sur le territoire. Ils représentent le pilier majeur de la politique culturelle, tant par la qualité de leur programmation que par les services proposés, que ce soient les médiathèques (avec deux ludothèques) de la ville mais aussi les 29 bibliothèques-centres de documentation implantées dans chaque école communale. A citer encore, le musée français de la Carte à jouer qui accueille 28 000 visiteurs par an ou encore l’école d’art d’Issy-les-Moulineaux, Les Arcades (505 adhérents), avec une double mission : préparer des bacheliers aux concours d’entrée des écoles supérieures d’art et de design, d’une part, et développer l’accès à la pratique des arts plastiques à tous, dès 5 ans, au travers d’une quarantaine d’ateliers, d’autre part. Les grands événements culturels, comme le Festival du livre ou les expositions du musée, sont aussi des facteurs de rayonnement. Une autre force encore, des projets ambitieux, tout particulièrement celui d’un partenariat avec l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs.
Notre principal défi : exister culturellement à côté du mastodonte parisien.
Quelle est la place de la vie associative dans votre projet culturel ?
Avec plus de mille associations présentes sur le territoire, le tissu associatif isséen, activement soutenu par la Ville, est très dynamique. L’offre est très diversifiée (musique, théâtre, danse, photographie, arts plastiques, loisirs créatifs) et complémentaire de la programmation municipale. Indispensables à la vie locale, les associations participent activement au maintien du lien social et à l’engagement des citoyens dans la cité.
Vos rapports avec l’intercommunalité ?
La création en janvier 2010 de Grand Paris Seine Ouest, notre communauté d’agglomération regroupant les communes de Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, Meudon, Vanves, Chaville, Ville-d’Avray et Sèvres, offre de nouveaux horizons dont la ville est bénéficiaire grâce à la synergie des infrastructures et la mutualisation des moyens.
Fusionné avec le conservatoire de Vanves, le conservatoire à rayonnement départemental d’Issy-Vanves accueille en moyenne 1 230 élèves répartis sur 51 disciplines, autour de 66 professeurs. L’adoption d’un nouveau projet d’établissement, valorisant l’importance de la pratique musicale, de la création et de la production de spectacles et la professionnalisation, a permis la mise en place d’une formation aux métiers du son afin d’élargir le cursus des élèves et la présentation des métiers artistiques.
Vos relations avec le Département, la Région, la DRAC ?
Elles sont bonnes. Des temps d’échange, de concertation et d’accompagnement sont indispensables ainsi que le partage d’outils pour accompagner les collectivités dans la reprise d’activité.
Vous venez d’entrer au Bureau FNCC. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la Fédération ?
Partager des expériences pour toujours mieux appréhender le contexte et les enjeux, anticiper les évolutions, déceler les innovations, apprendre des bonnes pratiques expérimentées çà et là. Le milieu territorial de la culture est en constante mutation et le FNCC en est le témoin idéal.
Propos recueillis par Vincent Rouillon