Gif-sur-Yvette (22 000 habitants), située dans ce que certains appellent la “Vallée des cerveaux” (La Vallée de Chevreuse, Essonne) du fait de l’importance des structures de recherche scientifique qui y sont implantées, est aussi une vallée de la culture. Sa proximité à la capitale, à une vingtaine de kilomètres, a notamment conduit la municipalité à promouvoir une offre culturelle exigeante, laquelle se conjugue avec une grande attention aux artistes locaux et à l’association des habitants à son action.
Marie-Christine FAURIAUX-REGNIER, maire-adjointe chargée des affaires culturelles et du jumelage, décrit les atouts culturels de Gif-sur-Yvette et expose les principaux axes de sa politique culturelle : l’accessibilité, l’éducation artistique et culturelle pour tous, la qualité de l’offre et le soutien aux initiatives locales.
Quel sens politique donnez-vous à la culture ?
Au sein du service culturel de la mairie et de manière collective, nous voyons dans la culture un outil d’ouverture, de lien et de vivre-ensemble. C’est également un facteur primordial pour le rayonnement de la ville et pour son identité que nous construisons au travers d’une offre spécifique et de qualité : Gif-sur-Yvette est désormais un territoire remarqué, notamment au sein du Parc naturel régional de la Haute-Vallée de Chevreuse. Un autre principe de sens de notre politique culturelle se fait au travers de la mise en place de projets locaux avec l’ensemble des établissements scolaires de la commune.
Gif-sur-Yvette et l’ensemble de la Vallée de Chevreuse ont pour particularité leur proximité à Paris et la présence d’une importante communauté scientifique. Ces deux aspects influent-ils vos politiques culturelles ?
Nous ne sommes en effet pas très loin de Paris. Cette proximité a pour conséquence une population particulièrement exigeante, ce qui complique la programmation de spectacle vivant. D’où notamment une offre de théâtres privés qui rejoint celle des théâtres parisiens. En revanche, la programmation d’expositions ne pâtit pas de la proximité à Paris, notre spécificité étant de ce point de vue reconnue et appréciée.
On parle aussi de “Vallée scientifique”. Ou encore de “Vallée des cerveaux”. Mais, pour ce qui est de la culture, notre priorité est de nous inscrire dans la différenciation par rapport au milieu scientifique.
La culture comme antidote à la science. Nietzsche disait : « Nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité »…
Oui, il s’agit d’apporter une vision autre grâce aux arts plastiques, au spectacle vivant et à des moments festifs musicaux. Pour autant, nous inscrivons dans nos programmes une part de culture scientifique, avec des conférences, des visites de laboratoires, des rencontres avec des chercheurs. Nous avons, par exemple, établi un partenariat avec la Faculté d’Orsay, plus précisément avec le COMPAS (service communication, médiation et patrimoine scientifique) de la faculté des sciences de l’Université Paris-Sud.
Quelles sont vos priorités ?
Nos priorités sont au nombre de quatre : l’accessibilité au travers d’une forte politique de gratuité, notamment pour les bibliothèques, mais aussi pour les expositions de grande envergure présentées au Val Fleury, où sont également proposés des week-ends d’ateliers de pratique en fonction des thèmes des expositions.
Deuxième priorité, l’éducation artistique et culturelle pour tous. Nous croyons beaucoup à l’importance de l’accès au savoir, ce à quoi nous travaillons avec notre UniverCité ouverte où nous organisons environ 70 conférences par an en partenariat avec l’association Culture et Citoyenneté et le Centre de vulgarisation de la connaissance (COMPAS). Cette spécificité de Gif-sur-Yvette lui assure un rayonnement considérable. Dans le cadre de cette même priorité, sur le versant littéraire, nous proposons des rencontres avec des auteurs dans les écoles.
Autre priorité encore, le soutien aux initiatives locales. On recense dans la commune plus d’une cinquantaine d’associations à caractère culturel que la mairie accompagne via des subventions mais aussi des mises à dispositions d’équipements, de moyens humains et d’outils de communication. Objectif : favoriser les pratiques en amateur et les initiatives citoyennes.
Enfin, une programmation de qualité mais assez diversifiée pour répondre aux attentes de tous, avec des spectacles (certaines saisons sont davantage axées sur la musique ou sur le théâtre…), des conférences, des expositions…
Accueillez-vous l’itinérance artistique ?
Nous ne disposons pas de structure ou de terrain adapté pour l’accueil des cirques, mais les expressions artistiques itinérantes sont présentes lors de la fête de la ville – “Gif en fête” –, avec des spectacles déambulatoires et des compagnies circassiennes. Pour autant, cela reste compliqué.
Quels sont vos moyens pour la culture ?
Le service culturel de la mairie est fort d’une équipe importante de treize personnes. Côté équipements, ils sont tous en régie directe : une salle de 460 places, un espace pour les expositions (deux plateaux) et une ludothèque de 200m2. La Ville soutient par ailleurs un cinéma “art & essai” et une MJC, très fortement financée. Quant à la médiathèque, elle a été transférée à la communauté d’agglomération Paris-Saclay en 2016.
Enfin, le budget culturel s’élève à 730 000€, soit 9% du budget total de la mairie, plus de la moitié étant consacrée aux subventions. Une enveloppe qui nous permet de travailler. Nous avons d’ailleurs eu la chance, malgré les difficultés liées aux baisses des dotations de l’Etat, de ne pas subir de baisse pour la culture.
Est-ce difficile de défendre la culture au sein du conseil municipal ?
Ce n’est pas toujours simple, car les priorités culturelles apparaissent différemment d’un individu à l’autre. Dès lors, les réunions sont animées. Mais si les projets sont bien défendus, ils sont acceptés. Cela a été le cas par exemple pour l’ouverture du lieu d’exposition du Val Fleury – un espace aujourd’hui très apprécié. De tout cela le conseil municipal débat au vrai sens du terme.
Quelles difficultés principales rencontrez-vous ?
La plus grande consiste à trouver le bon argument, au bon moment auprès des autres collègues élus. Mais les retours très positifs des habitants ainsi que des élus de villes voisines m’aident beaucoup. Voilà l’avantage du fort rayonnement de la ville. Autre élément positif : au sein du service culture, les relations n’ont rien de protocolaire. Nous sommes tous véritablement des collègues.
La plus grande difficulté consiste à trouver le bon argument, au bon moment auprès des autres collègues élus. Mais les retours très positifs des habitants ainsi que des élus de villes voisines m’aident beaucoup.
Par ailleurs, les équipements de proximité, la ludothèque et la médiathèque, répondent à une demande quotidienne des usagers (accueil du public ; prêt de livre et de jeu) et s’inscrivent ponctuellement dans une démarche projet.
Les prochaines élections municipales approchent. A ce stade, quel bilan faites-vous ?
Le bilan est excellent – et je n’hésite pas à le dire car c’est vraiment le fruit d’un travail collectif – avec une hausse notable de la qualité des programmations et l’ouverture de ce nouvel équipement pour les expositions au Val Fleury. Il accueille aujourd’hui environ 13 000 visiteurs par an, développe une politique envers les familles et déploie avec dynamisme ses missions de médiation avec les scolaires et avec le “tout public”. Les objectifs sont atteints. D’ailleurs les habitants en sont vraiment satisfaits.
On constate par ailleurs également une élévation de la qualité de la “Fête des artistes” qui ouvre nos lieux au réseau des plasticiens en amateur. Ces artistes répondent largement présent. Ils se sentent très concernés et participent pleinement à des “Ballades artistiques” en ouvrant leurs ateliers pour des parcours très bien ressentis par les habitants qui apprécient qu’on les prenne ainsi en compte. Nous sommes particulièrement heureux de cette belle relation avec les artistes.
Autre aspect positif du bilan, le succès du festival VO-VF, qui explore la littérature étrangère sous l’angle des traducteurs, une manifestation unique en son genre à l’initiative de la librairie Lireagif et que nous soutenons fortement. Une vraie réussite. A quoi il faut ajouter le soutien à notre cinéma en centre-ville.
Quelles sont les richesses culturelles de la commune ?
Outre les équipements précités – notamment la scène appelée la Salle de la Terrasse et le Val Fleury –, le dynamisme du tissu associatif s’avère capital. Le festival VO-VF, fortement implanté à Gif-sur-Yvette depuis plus de six ans permet de drainer un public toujours plus nombreux avec des parrains et invités de renom comme Alain Mabanckou, Jérome Ferrari ou encore Daniel Pennac. Il en est de même pour le festival Vryche sur Yvette, qui fédère plus de deux mille jeunes sur un week-end autour de scènes musicales, de mapping video et d’activités artistiques.
D’autres événements fédérateurs animent la vie culturelle à Gif-sur-Yvette, comme les très appréciées Journées du patrimoine, la Fête de la musique ou encore la Fête des artistes qui réunit plus de 80 artistes locaux – les talents sont ici nombreux.
Vos rapports, du point de vue culturel, avec la communauté d’agglomération ?
La communauté d’agglomération Paris-Saclay gère le réseau des médiathèques. Elle organise un week-end festif intitulé “Encore les Beaux Jours” auquel nous participons. Et aussi des tremplins de musiques actuelles dans lesquels nous intervenons.
Des liens se nouent aussi, bien sûr, par ma participation aux réunions des élus à la culture de la communauté d’agglomération au sein de la commission culturelle. Ainsi, les rapports sont très bons, mais limités. Et, pour l’heure, nous n’envisageons pas d’autres transferts.
De quelle nature sont vos liens avec les autres collectivités : les autres communes, le Département, la Région ? Avec la DRAC ?
Le lien avec les autres communes se fait essentiellement lors des réunions des directeurs des affaires culturelles mais aussi au sein des comités réunissant les élus. Avec le Département, notre relation s’est particulièrement resserrée, récemment, avec l’exposition autour du peintre franco-japonais Foujita. A noter également un lien, lui très ancien, pour le Contrat culturel de territoire, élaboré et signé depuis sa création par la Ville et le Département. En revanche, les liens sont très ténus avec la Région et marginaux avec la DRAC.
Les notions de droits culturels, de promotion de la diversité, de participation sont-elles pour vous une source d’inspiration ?
De ce point de vue, nous sommes adhérents à l’association Culture du Cœur. Par ailleurs, nous tentons de prendre en compte les habitants par un soutien aux initiatives locales. Sur le sujet de la participation citoyenne, nous sommes actuellement en réflexion.
Pour quelles raisons avez-vous adhéré à la FNCC ?
Je citerai deux raisons pour cette adhésion. D’une part, mieux faire connaître et reconnaître Gif-sur-Yvette du point de vue culturel, même si notre propre communication nous confère déjà une importante visibilité. Et d’autre part, bénéficier des formations de la FNCC.
Propos recueillis par Vincent Rouillon