La nécessité de concilier les exigences de la restauration patrimoniale et les impératifs de la sobriété énergétique s’est d’autant plus imposée comme une urgence qu’un outil, dont la généralisation de l’usage est inscrite dans la loi Résilience & Climat (août 2021), la compromet fortement : le “diagnostic de performance énergétique” (DPE).
Construit sur un ensemble de critères qui ne font aucune place aux qualités intrinsèques des techniques de construction anciennes, le DPE est appliqué uniformément à tous les types d’architecture, ancienne ou non, avec cependant une marge de souplesse pour les bâtis patrimoniaux mais sans adaptation spécifique quant à ses critères (cf. sur le site de la FNCC Patrimoine et “passoires thermiques”, les dérogations à la loi).
Des voix de plus en plus nombreuses réclament aujourd’hui la mise en place d’un DPE patrimoine (qu’il soit classé ou non) permettant de rendre justice à la qualité propre des techniques de construction traditionnelles dont on estime qu’elles ont perdurées jusqu’en 1948, soit 10 millions de logements, individuels et collectifs, en France. C’est le cas du G7 patrimoine dans son appel “Performance énergétique du bâti ancien” (janvier 2023) alertant sur le danger que représente le « nivellement industriel » auquel procède l’application d’un DPE standard (synthèse sur le site de la FNCC) mais aussi du Sénat dans son rapport “Patrimoine et transition écologique” (juillet 2023) prédisant un possible « désastre d’un point de vue culturel, touristique, économique, mais aussi écologique » (synthèse sur le site de la FNCC). A noter que ces techniques traditionnelles sont aussi des sources d’inspiration pour la recherche dans le domaine de l’isolation thermique en général.
La position du ministère ? En février 2023, la sénatrice (LR) Else Joseph réclamait, dans une question au Gouvernement adressée à la ministre de la Culture, un travail sur la formation des artisans en charge d’effectuer les DPE afin d’homogénéiser leurs conclusions. « Cette uniformisation des pratiques des diagnostiqueurs est clairement prioritaire dans un contexte où la rénovation des bâtiments anciens est appelée à pendre de l’importance, notamment en vue d’une meilleure protection de notre patrimoine. »
La sénatrice des Ardennes n’évoque pas explicitement la notion de DPE patrimoine, mais sa demande de cohérence des diagnostics, suscitée par le constat de leur variation d’un artisan à l’autre, indique en creux un certain manque de critères appropriés et partagés quant il s’agit de constructions anciennes. Et c’est bien en ce sens que le ministère développe sa réponse.
Sans lui non plus utiliser le terme de DPE patrimoine, le ministère en identifie la pertinence dans sa réponse à la sénatrice (5 octobre) : « De façon générale, les matériaux et les modes de construction utilisés dans le bâti ancien ont des qualités intrinsèques qui contribuent à son efficacité énergétique. Le bâti ancien présente notamment des qualités thermiques en termes d’inertie des parois. » D’où sa reconnaissance de la nécessité faire progresser la formation des artisans diagnostiqueurs de DPE.
Le ministère s’est donc attelé à faire évoluer les critères de la « certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d’accréditation des organismes de certification ». Ce qui a déjà été l’objet d’un arrêté du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT) signé en décembre 2021.
Concertations en perspective. Précisant qu’il est associé, aux côtés de MTECT, à « la conception du mode d’évaluation des compétences des diagnostiqueurs, en particulier dans l’analyse du bâti ancien, la prise en compte de ses qualités et de ses spécificités en matière de performance énergétique et la typologie des travaux adaptés, en s’appuyant sur des études de cas », le ministère de la Culture ajoute souhaiter associer « toutes les parties prenantes » à ces travaux de redéfinition des critères de formation à la performance énergétique des bâtiments anciens : organismes de recherche et de conseil, réseau professionnel des architectes des bâtiments de France (ABF) et des architectes du patrimoine, bureaux d’étude et associations de sauvegarde du patrimoine.
A noter que cette perspective de travail collectif sur les formations, de nature technique, s’en tient aux professionnels et acteurs du monde associatif. Pour autant, en tant que propriétaires de 41% des monuments classés et de très nombreux sites d’intérêt patrimonial (mairies, collèges, églises…), gestionnaires, voire maîtres-œuvre, des périmètres des Sites patrimoniaux remarquables (ex ZPPAUP puis AVAP) en lien avec les ABF, premiers responsables de la revitalisation des centres-villes anciens et politiquement comptables des décisions de réhabilitation de l’immobilier ancien devant les habitants, les collectivités et associations de collectivités seront directement concernées par les résultats de cette concertation.