La proposition de loi de création du Centre national de la musique (CNM) a été adoptée par les députés en première lecture le 6 mai 2019, après examen et amendements de la commission culture de l’Assemblée nationale. Les prises de parole des parlementaires en séance publique montrent l’étendue des missions qu’ils souhaitent voir assumer par cette instance nouvelle de régulation du secteur musical plébiscitée par tous. Revue des missions possibles pour le futur CNM…
Compte-rendu de la séance du 6 mai 2019 à l’Assemblée nationale
Un outil de stratégie politique nationale. Pour le député Pascal Bois (LREM), rapporteur du projet de loi et auteur d’un rapport de préfiguration du CNM, sa mission première est politique : « Il s’agit, premièrement, de permettre au Gouvernement de se doter d’une stratégie de long terme pour la politique publique de la musique. » Une stratégie dont les diverses facettes sont la structuration d’une filière morcelée, la garantie de la diversité, la coordination de l’information, de la formation et de l’observation, la promotion de l’innovation, la valorisation du patrimoine musical…
Un “gouvernement” de la musique. Pour Maud Petit (Modem), ce nouvel établissement public devra « défendre l’intérêt général, en complémentarité avec les services de l’Etat », DRAC comprises. « C’est à cette condition que nous pourrons mener une politique publique de la musique à la fois ambitieuse, puissante et irriguant l’ensemble de notre territoire. » Pour Aurore Bergé (LREM), le CNM doit permettre « de donner un visage unique et harmonieux à notre politique en faveur de la musique ».
Un levier pour la généralisation de l’EAC. Franck Riester confirme cette approche en voulant arrimer le CNM à la priorité du ministère de la Culture, l’EAC. « Nous souhaitons lui confier des compétences en matière d’éducation artistique et culturelle, qui devront être exercées en coordination et en complémentarité avec les acteurs existants, en particulier les DRAC et les collectivités territoriales. »
Un soutien aux entreprises. Sans être contradictoire, l’idée que se fait du CNM la députée (LR) Brigitte Kuster s’avère plus économique que politique : « La mission prioritaire du CNM, doit être de soutenir la capacité d’investissement des entreprises », une dimension dont elle regrette l’absence dans le projet de loi.
Le relais d’une croissance retrouvée. Sur la même ligne économique, la députée Laurence Provendier (LREM) se félicite de la reprise du secteur grâce au streaming légal. « Au cœur de cette dynamique, le projet du Centre national de la musique a pour vocation de démultiplier l’élan et de soutenir la reprise de la croissance. »
Un vecteur de rayonnement de la francophonie. Pierre-Yves Bournazel (UDI, Agir indépendants) met en avant la promotion de la chanson francophone et de son rayonnement. « Les 300 millions de francophones représentent un enjeu et un atout majeurs. » Une mission que défend également M’jid El Guerrab (Libertés et territoires) à qui il semblerait « judicieux de confier au futur Centre une mission de soutien au rayonnement des œuvres et à la présence des artistes français à l’étranger ».
Un rempart contre les géants du Net et un appui pour les artistes. Le ministre précise aussi qu’il s’agit de mettre l’économie musicale au service des artistes en éclairant « les enjeux du partage de la valeur, d’accompagnement de la transition numérique et de promotion de la diversité musicale face aux phénomènes de concentration ».
Un accompagnateur de pratiques en amateur. Mise en garde de Marie-George Buffet (GDR) : « Se concentrer sur le seul soutien à un secteur économique équivaudrait à méconnaître l’essence même de la musique. » D’où l’affirmation d’une autre mission pour le CNM, celle d’assurer « la liberté de choix des pratiques culturelles » et « notamment améliorer la reconnaissance de la pratique en amateur ». Donc, en plus d’une fonction politique et économique, une fonction sociale.
Un catalyseur pour la parité femme/homme… Citant des chiffres alarmants, la députée de Seine-Saint-Denis estime aussi que « le Centre national de la musique devrait clairement avoir la mission de favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales ».
… et pour la confortation de l’emploi artistique. Mais il faut également favoriser pour toutes et tous la stabilité de l’emploi artistique. Brigitte Kuster suggère de confier au CNM la gestion de la mesure 8 du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle vivant (FONPEPS) : le “Dispositif de soutien à l’emploi dans les secteurs fragiles/petits lieux de diffusion de musique/théâtre/danse”. Ainsi que le crédit d’impôt pour le spectacle vivant.
Une instance pour la réhabilitation de la musique classique. Sans que cela soit totalement explicite, le périmètre esthétique du CNM semble concerner essentiellement les musiques actuelles, ce dont témoigne le choix de le faire procéder, par élargissement, du CNV. Mais pour Valérie Rabault (PS), qui s’inquiète du déclin d’audience de la musique classique, le CNM doit au contraire la promouvoir en « confirmant que la musique, ses compositeurs, ses créateurs et ses interprètes pourront de nouveau bénéficier d’un vrai soutien, surtout face à des plateformes qui accaparent de plus en plus la valeur ajoutée ».
Un moyen de contrer les politiques de l’austérité. Pour sa part, Clémentine Autain (LFI) propose pour le CNM une mission de combat contre ce qu’elle estime être le « refrain » de la politique culturelle gouvernementale : « l’obsession de la règle d’or, autrement dit l’austérité ». « La création d’un Centre national de la musique doit rompre avec ce refrain, qui menace d’asphyxie et de silence celles et ceux qui font vivre la création. » En conséquence, « la mission d’accompagnement des petits porteurs de projets, des compagnies et des labels indépendants doit être au cœur du projet » du CNM.
Les fées sur le berceau… Chacun selon son point de vue, les députés ont toutes et tous manifesté leur soutien à la perspective de la création du CNM. Mais les missions, très nombreuses et parfois contradictoires (soutenir l’industrie et les pratiques en amateur, accompagner le streaming et contrer ses grands opérateurs…), qu’ils le souhaitent voir jouer posent la question du financement. La source des 20M€ de crédits supplémentaires nécessaires (en plus de la taxe sur la billetterie) anticipée par Pascal Bois n’est pas encore identifiée, ce dont s’inquiètent la plupart des députés. Par-delà les arbitrages du PLF 2020 auquel ce financement est renvoyé, une telle somme suffira-t-elle au CNM pour mener à bien toutes ces missions ?