Pour la troisième fois consécutive, l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) réalise, en partenariat avec le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, une »note de conjoncture » pour mesurer, à chaud, le niveau des dépenses culturelles des collectivités de l’année qui vient de s’écouler (2018) et leur évolution par rapport à 2017. A ces chiffres, collectés auprès d’un échantillon de 140 collectivités et EPCI de plus de 20 000 habitants, s’ajoute une projection sur la tendance pour 2019. Avec un constat majeur : malgré les difficultés budgétaires et l’incertitude liée à une réforme territoriale non encore stabilisée, l’effort culturel des collectivités s’affiche en légère hausse.
Il s’agit bien sûr seulement d’une tendance, l’échantillon des collectivités répondantes n’étant pas exhaustif : 9 régions, 48 départements, 7 métropoles, 14 communes de plus de 100 000 habitants, 36 EPCI et 26 communes de 20 000 à 100 000 habitants. Par ailleurs, les chiffres étant agrégés par nature de collectivités, la note précise d’emblée « d’importantes disparités sur la place de la culture entre départements, régions, métropoles et communes de plus de 100 000 habitants ».
Le principal enseignement tient dans ce chiffre : 56% des collectivités répondantes affichent en 2018 une hausse de leur budget culturel de fonctionnement alors qu’elles n’étaient que de 30% en 2016 et 46% en 2017. Une tendance à affiner selon les types de collectivités.
Les régions : tendance à la hausse. Sur les neuf régions répondantes, toutes sauf une ont augmenté leur effort culturel par rapport à 2017, soit 811,3M€ en 2018 : « Sur une temporalité plus longue, l’implication accrue de la grande majorité des régions en faveur de la culture se confirme. » Selon une étude réalisée par Régions de France, en dix ans, les dépenses régionales ont cru de 15% pour le fonctionnement (523,7M€) et de 58% en investissement (287,6M€). L’OPC précise en vis-à-vis que les DRAC ont dépensé 860M€ en 2018 (+6% par rapport à 2017). Donc un engagement assez comparable entre conseils régionaux et services déconcentrés du ministère de la Culture.
Engagement variable des départements. Ici, c’est la disparité qui s’impose. La note constate certes une légère amélioration depuis 2016 : 51% des départements accroissent leur budget culture alors que 40% le réduisent. Mais les écarts vont de -13% à +13%, manifestant « le positionnement paradoxal des départements par rapport à la culture, en particulier depuis la mise en œuvre de la loi NOTRe ». De manière générale, on constate « empiriquement », précise l’OPC, que la dépense culturelle des conseils départementaux se traduit surtout au travers d’un accompagnement des nouvelles intercommunalités et privilégie en priorité l’éducation artistique et culturelle. Enfin, c’est dans les départements que la proportion du budget culture par rapport au budget global est la plus faible, une tendance dans laquelle la note identifie les effets de la contraction des budgets culturels départementaux dans les années 2010-2015.
Le démarrage des métropoles ? La précédente note de conjoncture soulignait le caractère encore incertain de l’engagement culturel métropolitain. Pour ces collectivités encore jeunes, un démarrage semble s’être amorcé en 2018. Sur les sept métropoles répondantes, cinq augmentent leurs moyens de fonctionnement, les baisses des deux autres se réduisant à -1% et -2%.
On s’interroge souvent sur la nature que prend ou doit prendre l’engagement culturel métropolitain (cf. la Lettre d’Echanges n°167). L’OPC donne ici des éléments de réponse : « Les métropoles se sont montrées particulièrement réceptives au mouvement en faveur de l’entrepreneuriat culturel qui s’est intensifié depuis quelques années, et que, au côté des domaines traditionnels d’intervention culturelle dont elles peuvent hériter dans le cadre de transferts, nombre d’entre elles se sont engagées dans une perspective plus économiciste (économie sociale et solidaire, industries culturelles et créatives, clusters, développement de filières…) » que strictement culturelle.
La note signale également une très forte croissance des dépenses en investissement en 2018 puisque cinq métropoles affichent une croissance allant de +22% à +106%. Enfin, elles consacrent en moyenne 3,2% de leur budget à la culture. Une proportion qui ne prend pas en compte la nature culturelle d’autres stratégies, notamment économiques, de transports ou de projets urbains.
Les villes de plus de 100 000 habitants. Les villes ont été, sont et restent les principales contributrices de la dépense culturelle locale : si 21% des grandes villes répondantes baissent leur effort, 71% l’augmentent. « Au regard des précédentes enquêtes, une dynamique légèrement plus favorable à la culture semble apparaître du côté des grandes villes. » Les domaines d’application de leurs budgets sont très nombreux : les équipements (musées, bibliothèques, établissements d’enseignement artistique), le spectacle vivant mais aussi le soutien aux associations et aux organismes culturels. Ce dynamisme persistant se traduit par la proportion notable de leur budget culturel par rapport à leur budget global : entre 9,3% et 21,2%.
Et demain ? L’un des atouts des notes de conjoncture de l’OPC réside dans leur anticipation sur l’année à venir. Une anticipation qui se base sur des prévisions transmises par les collectivités elles-mêmes. Pour moitié, la perspective est à la stabilité, pour l’autre elle est assez également répartie entre une baisse (18%) et une hausse (16%). A quoi il faut ajouter 16% des collectivités reconnaissant une impossibilité à se projeter dans l’avenir.
L’incertitude s’avère notamment palpable chez les départements puisque 27% des conseils départementaux répondants ne savent pas à quelle hauteur sera leur engagement culturel en 2019. Enfin, 21% d’entre eux prévoient une baisse pour l’année à venir alors que la proportion n’était que de 14% l’année précédente.Pour les autres natures de collectivités, l’OPC observe que « la tendance à la stabilité augmente fortement ».
Des raisons d’incertitude. Si l’OPC souligne une « dynamique légèrement favorable », les conditions ne semblent pas réunies pour un net réengagement financier des collectivités. En particulier, les objectifs de contrôle de la dépense publique et plus précisément le “pacte” financier Etat/collectivités plafonnant à +1,2% la hausse des dépenses de fonctionnement aura, « selon toute probabilité » un impact négatif, notamment pour les villes qui devront « faire face à des dépenses contraintes de fonctionnement augmentant chaque année plus vite que le taux contractuel fixé dans ce cadre ». Des solutions de mutualisation, de mise en œuvre de la compétence culturelle partagée sont-elles envisageables ? L’OPC s’interroge, et ce d’autant plus que les Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) « ne constituent pas, à l’heure actuelle, un dispositif actif ».
D’où ces interrogations : les régions pallieront-elles les difficultés ? L’intercommunalité sera-t-elle réellement un avenir pour la culture au-delà des simples transferts ? Et qu’en est-il de l’Etat : l’annonce d’une plus grande autonomie financière et de gouvernance des DRAC sera-t-elle confirmée dans les faits ? L’avenir des politiques culturelles locales passera-t-il ailleurs que par les seuls budgets culturels, pour puiser dans ceux du développement économique, de l’urbanisme, des affaires sociales ou encore d’éventuelles politiques publiques de la nuit ? La prochaine note de conjecture le dira peut-être.