L’Assemblée générale de la FNCC, accueillie dans la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville à l’invitation de la maire d’Avignon, a été pour le ministre de la Culture, Franck Riester, l’occasion d’exposer ses principales orientations pour la mise en œuvre de ses politiques sur les territoires ainsi que pour un dialogue renforcé du ministère et de ses directions régionales avec les collectivités. Une délégation de la commission culture de France urbaine, conduite par Olivier Bianchi, co-président de la commission et maire de Clermont-Ferrand, s’est jointe aux membres de la FNCC.
« Cela faisait bien longtemps qu’un ministre de plein exercice ne nous avait pas honoré de sa présence à l’une de nos assemblées générales. » Faisant le même constat pour la commission culture de France urbaine que celui du président de la FNCC, Olivier Bianchi ajoute : « Je vois là un symbole de la mise en acte de votre volonté d’un dialogue entre les territoires et le ministère, ce dialogue qui existe au quotidien sur les territoires avec vos services déconcentrés, quelques fois avec la centrale. »
Après s’être présenté comme « avant tout un élu local », élu à 21 ans à Coulommiers puis président de la communauté de commune et enfin député, Franck Riester développe ses priorités pour son ministère, en écho direct aux interrogations concordantes de la FNCC et de France urbaine sur les notions de “différenciation” et “d’expérimentation” en matière de politique culturelle.
Mettre les artistes et les créateurs au cœur de l’action du ministère. Sans remettre en cause la continuité de la stratégie de l’Etat culturel depuis maintenant plusieurs décennies, Franck Riester affirme sa volonté d’en réajuster l’équilibre entre action culturelle et soutien à la création. « Quelle place ont les artistes et les créateurs dans nos dispositifs ? », voilà le “fil rouge”, l’interrogation que doivent se poser tant le ministère en centrale que ses directions régionales et ses opérateurs, mais en prenant en compte à chaque fois la diversité des territoires et celle des collectivités.
Renforcer la “déconcentration des compétences” du ministère. « Il n’y a pas de politique culturelle possible aujourd’hui sans appui sur les territoires. » Là encore, ce constat exige un rééquilibrage dans le fonctionnement même du ministère. Donc des missions différenciées et complémentaires entre l’administration parisienne et ses directions régionales, avec pour objectif premier de renforcer le travail avec les territoires en étant attentif à n’être pour les collectivités ni un « censeur », ni un « contrôleur », ni « un empêcheur de tourner en rond ou un frein » à leurs initiatives mais au contraire un accompagnateur et un soutien.
La direction centrale doit être recentrée sur ses missions pilotes de définition des politiques publiques, de partage de bonnes pratiques, d’innovation, de recherche et d’expertise, de manière à pouvoir appuyer de façon plus effective les directions régionales et les collectivités territoriales. Pour mieux assurer cette présence efficace sur les territoires, il faut avant tout renforcer les moyens « humains, financiers et décisionnels » des DRAC, notamment en ce qui concerne des décisions individuelles sur tel ou tel label, sur telle ou telle subvention ou tel ou tel soutien particulier, de façon à ce que les équipes des DRAC puissent agir sans devoir forcément en référer au niveau national et ainsi éviter redondances et pertes de temps.
Expérimentations territoriales. Incidemment, le ministre évoque la possibilité de partenariats sur les industries culturelles et créatives avec des délégations de compétences aux régions limitées dans le temps, telle qu’en est faite l’expérimentation en Bretagne. Mais ici l’évaluation reste nécessaire avant d’envisager de généraliser ce type de délégation à d’autres régions.
Plus globalement, il s’agit de mieux accompagner les collectivités, en particulier sur leurs innovations et projets qui ne correspondent pas au cadre d’action des équipements labellisés par l’Etat ou de ses dispositifs conventionnels institués. Mais le ministre insiste à plusieurs reprises sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas de renoncer à s’appuyer sur ces acteurs labellisés, outils premiers de la mise en œuvre de la politique culturelle nationale sur les territoires. Pour autant, les labels – injustement jugés trop raides par certains « alors qu’ils sont souvent bien plus adaptables à l’évolution des usages, des besoins et des attentes que ce qu’on veut bien en dire » – restent indispensables. Mais d’autres outils, d’autres initiatives, partant du terrain, doivent également être l’objet du soutien de l’Etat : les tiers-lieux, les Microfolies ou encore les “quartiers culturels créatifs” initiés avant l’été dans le cadre du programme Action Cœur de ville.
Une nouvelle direction au sein du ministère. La principale annonce faite par le ministre après l’Assemblée générale d’Avignon de la FNCC a été celle de la création en son sein d’une nouvelle direction dont les missions seront la démocratisation, l’accès à la culture, l’adaptation aux nouveaux usages, aux nouvelles pratiques et la coordination des politiques relevant de ces ambitions dans les territoires.
L’intitulé exact de cette nouvelle direction n’a pas été donné, mais la description de son rôle l’apparente à l’actuelle Direction de l’action territoriale (DAT), avec des moyens plus conséquents. On peut entendre ici un écho de l’une des principales préconisations du rapport “Revue des missions, de l’organisation et des moyens des services déconcentrés du ministère de la Culture” (février 2016) réalisé conjointement par les Inspections des finances, de l’administration et des affaires culturelles (cf. la Lettre d’Echanges n°164). Les inspecteurs suggéraient l’instauration d’un nouveau service, dont le DAT serait « le noyau », à l’échelle d’une véritable “direction”, à la mesure par exemple de la Direction générale de la création artistique (DGCA). A leurs yeux, une telle restructuration « serait un véritable signal envoyé aux territoires pour l’impulsion d’un rééquilibrage de la politique culturelle entre Paris et les régions ».
La modernisation du CCTDC. Les perspectives présentées par Franck Riester à France urbaine et à la FNCC ambitionnent toutes un renforcement du dialogue avec les collectivités. S’impose donc la mise en place de nouveaux outils de concertation. Lesquels ?
Frédéric Hocquard, vice-président de la FNCC et élu à la Ville de Paris, a posé la question de la manière dont le ministère entend développer la coopération des politiques qu’il mène directement (par exemple l’action du futur Centre national de la musique ou le Pass culture) avec celles des collectivités territoriales. Evoquant le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), dont il a affirmé sa volonté d’en moderniser le fonctionnement, Franck Riester a déclaré : « Je voudrais réfléchir avec vous et avec différentes associations d’élus pour voir comment avoir cette même dynamique en région aussi – là on peut mieux faire – pour structurer un travail régulier et partenarial entre l’Etat et les collectivités. »
Il s’agirait d’instances opérantes à l’échelle des régions dont la forme et les modalités de fonctionnement restent à inventer. Agnès Sinsoulier-Bigot, vice-présidente culture de la région Centre-Val de Loire, remarque que les commissions culturelles des Conférences territoriales d’action publique (CTAP), voulues par la loi NOTRe, s’apparentent déjà à de telles instances…
Pour le ministre, la forme importe peu. « Globalement les CTAP ne fonctionnent pas toujours. En ce domaine, moins il y aura d’idéologie, mieux on se portera. Peut-être faut-il différencier selon les régions… Je suis ouvert à toutes les dispositions, mais il faut que relativement rapidement on puisse s’assurer qu’il y ait dans toutes les régions une instance de concertation qui fonctionne. » Rappelons que la FNCC avait un temps plaidé pour une « déclinaison régionale » du CCTDC.
Sans doute sera-ce cette rentrée, à l’occasion de la prochaine réunion plénière du CCTDC, que ce projet d’outils de concertation entre l’Etat et les collectivités à l’échelle territoriale prendra concrètement forme.