Le 12 décembre 2019, à la suite de la réunion de son Conseil d’administration accueilli à Fontenay-sous-Bois, la FNCC organisait un séminaire pour ses adhérents autour du lien entre les élu.e.s à la culture et leurs directeurs et directrices des affaires culturelles. En présence de la nouvelle présidente de la Fédération nationale des DAC (FNADAC), Déborah Copel, et de la présidente de l’association des DAC d’Ile-de-France, Carole Ziem, les échanges, animés par les formateurs de la Fédération Vincent Lalanne et Jean-Pierre Seyvos, ont témoigné de l’importance du « couple infernal » élu.e/DAC – selon la formule du président de la FNCC, Jean-Philippe Lefèvre – pour la mise en œuvre des politiques culturelles territoriales. Et, surtout, de la nécessité que les uns et les autres assument leurs places respectives. Extraits.
Les municipales de 2020 sont en vue. Un temps particulièrement approprié pour explorer les relations entre directeurs et directrices des affaires culturelles et élu.e.s à la culture : Qu’a-t-on réalisé depuis le début du mandat ? Comment renouveler le projet de politique culturelle en vue d’une prochaine élection ? Comment transmettre son bilan aux futurs nouveaux élu.e.s ? Chaque intervenant a brièvement raconté son “histoire de DAC”, tenté d’expliciter ce principe partagé du “chacun à sa place”, examiné en quoi le DAC est, ou non, la “pièce maîtresse” des politiques locales de la culture. Au travers des échanges, le profil du “tandem idéal” élu.e/DAC a été esquissé et, au final, la nécessité d’approfondir le dialogue et la réflexion collective s’est imposée. En perspective, l’organisation d’ici fin 2019 d’une journée de rencontre sur le lien élu.e/DAC.
Histoires de DAC. Chaque élu.e a sa propre expérience de « l’alchimie nécessaire » de la relation avec un DAC. Parfois parce que cette alchimie n’a pas pu s’opérer, le poste n’étant pas pourvu ou bien occupé depuis trop longtemps : « J’ai eu une relation compliquée avec le DAC, qui était celui de l’équipe précédente et était en poste depuis 25 ans. » Parfois parce qu’il lui a fallu se battre pour qu’elle ait lieu : « Au départ cela a presque été un combat contre mon maire » pour recruter un DAC. Autre témoignage : dans la mesure où la fonction de DAC ne s’impose pas forcément comme une évidence, et tout en sachant que ce poste coûte cher, « il a d’abord fallu convaincre de la nécessité d’en embaucher un ».
Mais pour la plupart des élu.e.s, « la relation avec le DAC est indispensable », au risque même de s’avérer excessivement dense, d’où cette mise en garde : « Une relation trop personnelle entre l’élu.e et son DAC ne favorise pas la compréhension et le partage des enjeux et des projets. » A quoi il faut ajouter que, loin de ne relever que d’une nécessité de travail, la qualité du lien élu.e/DAC peut aussi être une source de bonheur dans l’exercice de la mission politique : « Je suis l’élu le plus heureux de la municipalité, car nous vivons un respect profond des fonctions de l’un et de l’autre. »
Chacun à sa place. L’expérience montre que certains élu.e.s peuvent être tentés d’empiéter sur la fonction des DAC, soit par exemple en pesant trop directement dans des recrutements pour des équipements culturels, soit encore en intervenant dans les programmations. Et inversement, il n’est pas rare qu’un DAC s’autorise des décisions relevant de l’orientation politique et non de sa mise en œuvre. Ce sont là des situations de tensions symétriques générées par un conflit entre deux légitimités : celle de l’élection et celle du professionnalisme.
Pour les élu.e.s de la FNCC, la voie est claire : « Il est important de bien définir les rôles : aux élu.e.s de donner l’impulsion, de définir le projet et aux DAC de le mettre en place avec leur compétence. » Ou encore : « Il faut que l’élu.e reste un élu et l’agent un agent. » Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent apparaître unis à l’extérieur, « quelle que soit la nature du travail en interne ». Alors, le travail sera « passionnant », à condition que l’un et l’autre non seulement s’en tiennent à leur propre rôle mais qu’en plus ils l’assument pleinement : « Si l’élu.e n’est pas présent, ce sera le DAC qui occupera sa place, et inversement. »
« Les élu.e.s, eux, doivent définir une politique, le DAC ayant charge de la mettre en pratique, ce qui suppose la compréhension réciproque et une discussion continuelle. » Tel est le sentiment général. Pour autant, une des interventions a fait valoir un principe tout autre. « Cela ne me semble pas envisageable que les élu.e.s et les DAC ne discutent pas de politique. Ce n’est pas : à toi la politique, à moi l’aspect technique. L’important consiste à garantir un espace de liberté pour chacun. »
L’ambiguïté des rôles, ou du moins leur tendance à se superposer et à se nourrir mutuellement – car les modalités de mise en œuvre peuvent contribuer à « faire mûrir » le projet politique tout comme celui-ci peut exiger l’invention de modes d’action pratique nouvelles de la part des professionnels – exige donc une définition partagée et concertée. D’où ce souhait de l’une des DAC présente : « Il semblerait intéressant de mettre au point des références communes, un cadre, un corpus afin de favoriser l’accord entre élu.e.s et DAC. »
Il semblerait intéressant de mettre au point des références communes, un cadre, un corpus afin de favoriser l’accord entre élu.e.s et DAC.
Le DAC, “pièce maîtresse” ? Par définition politique, l’élu.e n’est pas un professionnel mais un militant choisi par les citoyens pour l’exercice d’un pouvoir dans le cadre d’un fonctionnement démocratique. Il ou elle doit donc se former, d’une part ponctuellement dans le cadre d’un centre de formation, par exemple celui de la FNCC, mais aussi quotidiennement. « Quand je suis arrivée en fonction, il me manquait bien des connaissances et je n’étais pas encore en mesure de donner des orientations à mon DAC. Le principal enjeu est celui de la formation de l’élu.e. » Ou encore, la question d’une nouvelle DAC demandant à “son” élu ce qu’il attendait d’elle, la réponse a été : « Faites de moi un meilleur élu. » Et de fait, poursuit-il, « avant j’étais un peu livré à moi-même ; maintenant les choses sont beaucoup plus construites… Notre réflexion partagée est un véritable apport. »
Ce rôle du DAC de formation de l’élu.e n’est d’ailleurs pas simplement technique. Son apport peut être précieux pour enrichir l’intuition politique et permettre « d’élaborer des objectifs plus construits, plus stratégiques ». Par ailleurs, on ne saurait séparer de manière étanche le projet de sa mise en œuvre, la théorie de la pratique : « L’élu.e a besoin d’un DAC, d’un vrai professionnel qui lui explique certaines réalités, pour mettre en œuvre son engagement. » Ou encore : « Les élu.e.s mettent en œuvre le projet du maire, mais ils peuvent le faire mûrir grâce aux professionnels », et ce « par un dialogue permanent. Je ne m’imagine la fonction d’élu.e sans cet appui. »
Mais il est une autre fonction majeure du DAC : c’est un allié, notamment vis-à-vis du directeur général des services ainsi que du maire ou encore des autres délégations (social, urbanisme, éducation…). A noter enfin ce rôle d’allié vis-à-vis des autres agents culturels territoriaux : « J’ai senti la différence entre travailler avec ou sans DAC, en particulier pour la cohésion des équipements culturels. Avant, chacun voulait “tirer la couverture à soi”. » Conclusion : « Pour moi, le DAC est la pièce maîtresse. »
Le “tandem idéal” élu.e/DAC. Quel est le profil-type du DAC tel que peut en rêver les élu.e.s ? Tout d’abord, il importe de distinguer « deux familles de DAC : celle des DAC attentifs aux élu.e.s, et celle des DAC attachés à la “maison” ». Le premier profil est de loin préférable. Plusieurs qualificatifs reviennent pour décrire le DAC idéal : « loyauté » (si possible « absolue »), « confiance » et « compétence ». Plus précisément, il faut « quelqu’un capable de globaliser, de coordonner, d’aider à la définition d’une stratégie ». En écho, ce portrait par les professionnels : « Il faut définir à quoi sert cette fonction. On attend de nous d’être des gestionnaires. Sans doute, mais sans tomber dans l’excès. Notre rôle est d’aider l’élu.e à décider et de le nourrir. »
Inversement, quelle doit être l’attitude optimale des élu.e.s ? « “Orienter n’est pas choisir”, dit-on. Orienter, c’est la place de l’élu.e et il lui faut trouver cette place. » Le “bon” élu.e est celui qui est en capacité de faire que « les DAC et les élu.e.s partagent une stratégie sur un projet politique clair », mais sans pour autant investir le professionnel de la responsabilité politique : « L’un des risques – terrible – consiste à demander au DAC d’être un quasi-membre du cabinet, qu’on lui demande d’assurer pour nous une présence politique. » Cela étant, si le dialogue permanent et surtout la disponibilité de l’un à l’autre s’avèrent déterminants et s’il faut faire de la politique « comme on fait une œuvre, avec des tentatives, des échecs, et une méthodologie qui puisse se recréer chaque jour », « attention à ne pas épuiser les DAC ».