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Printemps de Bourges : séminaire sur les musiques actuelles

By 10 mai 2019juillet 25th, 2019No Comments

La FNCC a réuni son Conseil d’administration et organisé un séminaire de formation et d’échange le 18 avril à Bourges, à l’invitation de la Mairie et au cœur du festival Le Printemps de Bourges. Trois thématiques décisives pour les musiques actuelles ont fait l’objet d’interventions de professionnels dans le cadre de cette rencontre. Ouverture autour de la question cruciale des coûts de sécurité pour l’organisation d’événements culturels et de la controversée  »circulaire Collomb ». Autre texte gouvernemental objet de multiples interrogations : le  »décret son », jugé difficilement applicable et ressenti comme une menace pour la création. Enfin, le projet de Centre national de la musique et la nécessaire prise en compte du rôle majeur des collectivités pour la préservation de la diversité de la création. Echos.

C’est dans une ville-cathédrale encore en proie à l’émotion suscitée par l’incendie de Notre-Dame de Paris, “grande sœur” de la Cathédrale Saint-Etienne de Bourges, mais déjà engagée dans l’atmosphère festive et créative du Printemps de Bourges que Pascal Blanc, maire de Bourges a accueilli la FNCC, aux côtés de son adjoint à la culture, Frédéric Charpagne. Pour le maire de la ville où a été ouverte la toute première Maison de la Culture, en 1964, le soutien à la culture n’est pas un choix mais un impératif : « La culture est indispensable. Il relève du devoir des élus de la soutenir. » Et de la soutenir par-delà les périmètres administratifs et les opinions politiques, précise le maire-adjoint à la culture qui se félicite « de l’écoute et de l’entraide de toutes les forces politiques du territoire : nous savons nous rejoindre par-delà les différences de sensibilité politique ». La vice-présidente en charge de la culture à la région Centre-Val de Loire, Agnès Sinsoulier-Bigot, confirme « l’excellent travail entre collectivités » dont témoigne en particulier le soutien de la Région au Printemps de Bourges.

Un travail qui se doit de prendre en compte, pour ce qui est du domaine des musiques actuelles, trois thématiques synthétisées les trois termes clés : sécurité, santé et diversité.

Pascal Blanc, maire de Bourges, et Jean-Philippe Lefèvre, président de la FNCC

Le coût de la sécurisation des manifestations culturelles

Intervention de Dominique Buffin, Haute fonctionnaire
adjointe de défense et de sécurité au ministère de la Culture

L’explosion des surcoûts de sécurité des Eurockéennes de Belfort 2018 a inquiété à la fois les organisateurs de festivals et les collectivités qui les soutiennent, voire les produisent. Mais le traumatisme des attentats du Bataclan exclut toute perspective de négliger la sécurité et exige la plus étroite coopération entre les professionnels, les forces de l’ordre (donc la préfecture mais aussi les polices municipales) et les élus. Tel est l’essentiel du message transmis par Dominique Buffin aux adhérents. Elle précise que le premier interlocuteur des élus est, dans chaque région, le DRAC adjoint, chargé depuis avril 2017 de la mission de “référent sécurité”.

Elle informe également de la parution d’un guide réalisé par les ministères de la Culture et de l’Intérieur intitulé “Guide des bonnes pratiques de sécurisation d’un événement de voie publique”. A quoi le président de la FNCC ajoute : « Nous ne devons pas laisser ces questions aux seuls collègues en charge de la sécurité. Nous, élus à la culture, devons y être présents. »

Le “périmètre missionnel”. La question demeure cependant de contenir autant que possible les coûts de la sécurité et tout particulièrement le remboursement à l’Etat des “service d’ordre indemnisés” (SOI), c’est-à-dire de l’engagement en personnels et en véhicules des forces de l’ordre pour la sécurisation des manifestations. « La facturation doit rester compatible avec la viabilité économique des festivals concernés », précise la fonctionnaire du ministère de la Culture.

Qu’exige la règlementation ? Jusqu’en 2017, année de parution de la circulaire dite “Collomb”, les SOI concernaient toutes les actions de sécurisation non rattachées aux obligations normales des forces de l’ordre. Un concept assez flou. La nouvelle circulaire développe une autre approche, basée ni sur le périmètre à sécuriser ni sur une définition pour ainsi dire en creux des dispositifs et actions exigeant remboursement. Selon une toute autre logique, le “périmètre missionnel” comprend toutes les actions des forces de l’ordre en lien avec des troubles imputables à l’événement. « Il s’agit d’une logique de lien de causalité non d’espace géographique. » Ainsi, d’un site à l’autre, on peut avoir des dispositifs en apparence similaires mais qui ne le sont pas.

D’où un sentiment d’inégalité qui s’ajoute à d’autres critiques auxquelles tente de répondre aujourd’hui le Gouvernement à partir des préconisations d’une « mission flash » des députés Bertrand Bouyx et Brigitte Kuster (cf. la Lettre d’Echanges n°170) : le défaut d’anticipation, la définition du champ d’intervention, l’hétérogénéité des territoires, l’asymétrie dans la discussion et le coût et l’impact sur la production artistique. Plusieurs organismes professionnels ont dès lors déposé un recours contre la circulaire.

La concertation en amont. C’est là le nœud du problème déjà pris en compte par la nouvelle circulaire, laquelle exige une réunion préparatoire afin de déterminer le périmètre missionnel, ce qui est également une façon de garantir la prévisibilité de la facturation. Combien de mois en amont ? Combien de réunions préparatoires ? Car les questions déterminant le “périmètre missionnel” sont nombreuses. Faut-il recourir à la police municipale ? Comment prendre en compte le type de public, l’affluence ? Et comment caractériser les différentes configurations géographiques ?
Sur ces points, le président de la FNCC souligne combien le présent séminaire est opportun : « Aujourd’hui, alors que beaucoup de travaux sont prévus dans le cadre du programme Action Cœur de Ville, c’est le bon moment pour prendre en compte les exigences liées aux événements dans l’espace public. Là aussi l’adjoint à la culture doit travailler avec l’adjoint à l’urbanisme. »

Les nouvelles normes du décret son 2017

Intervention de Franck Boyat,
président d’Agi-Son (Agir pour une bonne gestion sonore)

Il s’agit là d’une question de santé auditive face à des niveaux sonores trop élevés mais aussi de paix sociale que peuvent rompre les troubles du voisinage. Après concertation avec les professionnels, ce texte très technique a été rédigé par les ministères de la Santé et de l’Environnement et cosigné par le ministère de la Culture. D’où l’invitation du président d’Agi-Son, association spécialisée sur les questions de santé liées à l’exposition au son des musiques amplifiées.

Que dit ce décret qui pour beaucoup présente un danger pour la création ? En résumé, il fixe un seuil de décibels de 102dB pour les fréquences moyennes et de 118dB pour les fréquences basses (avec des limitations particulières pour le jeune public). Des seuils qui doivent être mesurés sur une durée de 15 minutes « en tous points » d’une salle de concert. La volonté est louable et personne ne la conteste. De manière positive, Franck Boyat note six points : l’abaissement du niveau sonore, ce qui exige une amélioration de la qualité du son, le recours à l’affichage des niveaux sur la console, comme un cadran de vitesse ; des niveaux plus bas pour les jeunes publics, la prise en compte des fréquences basses, la coresponsabilité des acteurs et l’obligation de prévention.

Pourtant, ce décret pose un problème majeur qui menace la possibilité même de diffuser des musiques amplifiées, tout particulièrement dans les salles de petite jauge mais même en plein air : le décret, en l’état, est inapplicable. Pour les fréquences normales, la mesure du son « pose un véritable souci pour les petits lieux car alors le son émane directement de l’artiste », sans maîtrise possible de la part des organisateurs. Pour les fréquences basses, l’exigence du “en tous points” s’avère hors de contrôle : « Le point dit “chaud” se déplaçant constamment, il n’y a pas de prévisibilité. » De plus, les deux valeurs – 102dB et de 118dB – ne sont pas compatibles. « SI on voulait les respecter, cela ne correspondrait ni à la réalité de la diffusion ni aux exigences artistiques. Or l’article 1 de la loi LCAP dit que “la création artistique est libre”. » Et même à admettre pouvoir surmonter ces trois difficultés, de toute façon il n’existe pas encore de matériel fiable pour le spectacle vivant (sans compter le coût d’acquisition s’il en existait).

Les élus peuvent-ils être tenus responsables ? Les collectivités financent des lieux de musiques actuelles. Elles produisent parfois elles-mêmes des concerts. Qu’en est-il de leur responsabilité si le décret n’est pas respecté ? La réponse n’est pas totalement rassurante. Si sur les questions de santé les collectivités ne peuvent être incriminées, en revanche elles peuvent l’être sur l’environnement, notamment via l’imposition d’une “étude d’impact des nuisances sonores” (EINS) qui s’applique en plein air pour les sons amplifiés. Pour l’instant, il faut vérifier que cela ne génère pas davantage de bruit que le niveau habituel : or, il est impossible de conserver une telle limitation du niveau sonore. « A cet aune, le texte interdit tout le Printemps de Bourges ! Ici la préfecture pratique la bienveillance. Mais ce ne sera peut-être pas le cas ailleurs… »

Mais les difficultés ne tiennent pas qu’à la règlementation. Comme le remarque Grégoire Pénavaire, maire-adjoint à Enghien-les-Bains et vice-président de la FNCC, « l’un des principaux problèmes vient du fait que les habitants veulent à la fois le silence et le dynamisme du centre-ville. Il y a un certain manque de tolérance de la société. » « Nous vivons en effet dans une société hygiéniste… », convient Franck Boyat. Il ajoute que ce décret peut avoir un impact négatif sur les petits lieux, ceux qui précisément font vivre les centres-villes mais aussi la diversité artistique.

Les territoires et le projet de Centre national de la musique

Intervention de Philippe Nicolas, directeur du CNV
(Centre national de la chanson, des variétés et du jazz)

L’affirmation par le directeur du CNV de l’importance des territoires pour les musiques actuelles a pris un écho singulier au regard de l’absence de mention du rôle politique des collectivités dans l’actuel projet de loi pour la création du CNM.

L’impératif de défendre la diversité. Face aux forts mouvements de concentration économique dans le secteur des musiques actuelles, les contrats de filière constituent l’une des réponses pour défendre la diversité de la création artistique : soutenir l’ensemble de l’écosystème musical sur un territoire. Une défense qui ne se fera pas sans les collectivités, principaux financeurs publics en ce domaine. « Nous sommes les amis des territoires et de la diversité », déclare Philippe Nicolas. « Les salles de très petite jauge ont besoin à la fois du soutien des collectivités et du CNV. » De là l’idée d’associer à l’avenir aux partenaires des contrats de filière – pour l’heure le CNV, les DRAC et les régions – d’autres collectivités, notamment les départements mais aussi les villes.

Que sont les contrats de filière ? Ce sont des conventions dont le champ concerne l’ensemble de la filière musicale : diffusion, lutherie, édition, production, développement d’artistes, enseignement…. Au départ, l’engagement financier reste modeste, environ 60 000€ par partenaire, avec une volonté d’apporter un soutien aux maillons les plus faibles de la chaîne. Mais les montants financiers vont croissant. Huit régions sur treize ont signé des contrats de filière et l’Etat s’est engagé (à hauteur de 500 000€ cette année).

Quelle place des collectivités dans le CNM ? Les contrats de filière sont ouverts à d’autres collectivités que les seules régions. En Normandie, déjà des départements s’y engagent. Or, dans la mesure où ils correspondent précisément à la fonction du CNM de défendre la diversité, il semblerait nécessaire que ce Centre national intègre étroitement les collectivités : « Je me bats pour que les contrats de filière soient au cœur du CNM. Il doit être le lieu où ces contrats croissent car ils peuvent être un élément décisif pour la politique du ministère de maillage territorial et de rééquilibrage entre Paris et les régions », précise le président du CNV.

Les quatre associations de collectivités aujourd’hui représentées au CNV – la FNCC, l’AMF, l’ADF et Régions de France – ont cosigné un courrier au ministre de la Culture pour souligner la légitimité de leur association à la gouvernance du futur CNM. Qu’en sera-t-il ? « Cela se joue maintenant. Nous avons besoin de vous. Pour ma part, je n’envisage pas un CNM dont vous ne feriez pas partie. »