La région Centre-Val de Loire se caractérise par son extrême densité patrimoniale et un grand nombre de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Une richesse qui sera pleinement mise à l’honneur à l’occasion cette année du 500e anniversaire de la Renaissance sur ce territoire, l’année 1519 étant celle à la fois de la mort de Léonard de Vinci et du début de la construction du château de Chambord. Mais, au-delà de cette commémoration, l’ambition culturelle du conseil régional se traduit par le dynamisme de la coopération entre élus et acteurs culturels, porté par l’institution de sa Conférence permanente consultative de la culture (CPCC).
Agnès SINSOULIER-BIGOT, vice-présidente déléguée à la culture et à la créativité numérique, décrit la mission première d’équité territoriale et notamment le dispositif des Projets artistiques et culturels de territoire (PACT) pour accompagner les saisons culturelles des intercommunalités ainsi que la perspective de rédaction d’une Charte culturelle avec les agglomérations et métropoles.
Quelles sont les particularités culturelles mais aussi historiques, démographiques, géographiques de la région Centre-Val de Loire ?
Son patrimoine, tout d’abord, avec plusieurs sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco : le Val de Loire, le chemin de Saint Jacques de Compostelle et la basilique de Neuvy-Saint-Sépulcre et bien sûr les deux cathédrales de Bourges et de Chartres…
C’est également une terre de musiques actuelles, avec le Printemps de Bourges ou encore le festival Terres du Son à Candé et, de plus en plus, d’art contemporain avec le Centre d’arts et de nature au Domaine de Chaumont-sur-Loire, le FRAC à Orléans, le Centre de Création contemporaine Olivier Debré à Tours, les centres d’art contemporain L’Ar[T]senal à Dreux, les Tanneries à Amilly et le Transpalette à Bourges. L’ensemble de ces structures d’art contemporain a concouru à la création de l’association “Devenir art” qui travaille depuis un an et demi à un projet de Schéma d’orientation pour le développement des Arts Visuels (Sodavi) qui officiellement sera mis en place ce printemps.
Quel est l’axe général de votre politique culturelle ?
Notre slogan “Nature et culture : l’exceptionnelle rencontre” illustre un point majeur de notre ambition politique : œuvrer à la rencontre des deux avec, notamment, l’ensemble des châteaux de la Loire et de leurs jardins. Mais aujourd’hui, le grand événement – plus de 700 manifestations mêlant culture, sport et numérique – sera l’Année de la Renaissance à l’occasion des 500es anniversaires de la mort de Léonard de Vinci et de la pose de la première pierre du château de Chambord.
L’ensemble de la Région est mobilisé sur cette commémoration qui, au-delà de l’approche patrimoniale, fera dialoguer la Renaissance avec le monde contemporain, comme par exemple avec l’exposition “Léonard et les robots” qui met en regard les machines de Léonard de Vinci avec la robotique ou encore avec le cycle de conférences intitulé Human Tech Days. L’invention de l’imprimerie a provoqué une explosion d’idées et d’innovations. Aujourd’hui, la révolution numérique opère à son tour cette abolition du temps et de l’espace.
Quelle fonction première a la culture au sein d’une politique régionale ?
Pour nous, c’est l’aménagement équitable de l’ensemble du territoire régional. Nous veillons par exemple à ce que nos deux métropoles – Tours et Orléans – n’aspirent pas tout le dynamisme. Dans cet esprit nous proposons aux intercommunalités des Projets artistiques et culturels de territoire, les PACT, pour les aider à construire une saison culturelle en soutenant à hauteur de 40% les budgets artistiques à partir d’un cahier des charges fixant plusieurs objectifs dont celui de toucher tous les publics, de promouvoir la participation des habitants et de programmer les artistes régionaux afin de soutenir l’emploi culturel. 61 PACT ont été signés à ce jour grâce au travail de trois chargées de mission qui apportent au démarrage une aide en ingénierie.
Les relations avec les élus se tissent au sein de la Conférence permanente consultative de la culture, une déclinaison du volet culture des Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) où siègent des élus de toutes les collectivités ainsi que des acteurs culturels, des syndicats et des représentants des associations d’éducation populaire.
Ces partenariats dont le budget global est de plus de 3M€ ont ainsi concerné 13% de plus de la population en 2018 qu’en 2017. Et ce grâce à l’engagement des compagnies et des ensembles qui ont intégré la nécessité de proposer des spectacles adaptables tant à des scènes très bien équipées qu’à des salles des fêtes ou même à l’espace public. Cette souplesse permet leur présence sur tout le territoire. Un ensemble de musique ancienne, par exemple, peut donner un concert dans une salle prestigieuse autant que dans une église de village. Notre volonté politique est ici très forte, avec l’ambition de couvrir l’intégralité du territoire.
Est-ce difficile de défendre les budgets culturels au sein du conseil régional ?
En 2015, le président de la Région, François Bonneau, s’est engagé à ne pas diminuer le budget culturel. Un engagement qui facilite mon travail. De plus, 2M€ supplémentaires ont été fléchés sur l’Année de la Renaissance : une somme qui s’ajoute aux subventions habituelles.
De quel budget disposez-vous ?
En tout, de 35M€ sur un budget global de 1,4Mds€, dont 25M€ pour le fonctionnement et 10M€ pour l’investissement. Pour ce qui est de l’investissement, nous nous adaptons aux projets des collectivités.
Comment avez-vous construit votre programme culturel ?
Nous avons réuni en 2016 des Etats généraux de la culture, avec un rendu en mars 2017 de vingt priorités. Globalement, il en ressort que la mission première du conseil régional relève d’un rôle de facilitateur, de chef d’orchestre, non au sens de diriger mais pour ainsi dire d’aider à mettre en musique les différentes actions des uns et des autres. D’où notre insistance sur l’objectif de fédérer et de mettre en réseaux. Le meilleur exemple est ici notre travail pour que les trois télévisions locales se coordonnent, ce qui nous a aussi permis de signer une nouvelle convention avec le CNC qui nous permet de bénéficier de ses financements – une approche que nous déployons dans d’autres domaines, comme les musiques actuelles et les arts visuels.
Etes-vous engagés dans l’enseignement artistique spécialisé ?
La loi LCAP dit que les régions « peuvent » financer l’enseignement artistique, non qu’elles le doivent. Pour notre part, notre action se fait sur la médiation, comme avec un financement d’expositions des écoles d’art, mais non dans l’élaboration d’un schéma régional. De toute façon, les pactes qui plafonnent la hausse des budgets de fonctionnement à 1,2% obèrent d’en faire davantage.
Et le livre ?
Nous participons à l’EPCC Ciclic, structure consacrée au livre, à l’image et au numérique. A noter également la signature d’une convention quadripartie entre la DRAC, le CNL, Ciclic et la Région pour notamment aider les librairies. Autre action, l’organisation de l’opération “Mille lectures d’hiver” autour de la littérature contemporaine. Nous soutenons également la déclinaison régionale des Maisons d’écrivain dont la fédération nationale a son siège à Bourges.
Vous partagez avec la DRAC la responsabilité d’un même périmètre territorial…
Le lien avec la DRAC est particulièrement étroit pour le FRAC et Ciclic, puisque nous y siégeons ensemble. La DRAC et la Région se coordonnent, mais chacun garde des missions propres et, pour notre part, notre feuille de route issue des Etats généraux.
Il existe une collaboration avec l’Etat dont je suis particulièrement satisfaite : le Fonds incitatif pour la restauration du patrimoine classé en grand péril appartenant aux petites communes. La commune peut en effet recevoir des subventions publiques à 80% si la région s’engage, ce que nous avons fait, pour l’heure, dans deux départements, en Indre-et-Loire et dans le Loir-et-Cher. Cela a par exemple permis d’aider la petite commune d’Averdon (41) à plus de 80% pour des travaux sur une église romane – sans doute la plus ancienne du Centre-Val de Loire dangereusement fragilisée par des infiltrations d’eau. Nous souhaitons engager des communes d’autres départements à demander de bénéficier de ce fonds.
Quelles sont vos relations avec les départements, les communes, les intercommunalités ? Sentez-vous une attente ? Une défiance ?
Les relations se tissent au sein de la Conférence permanente consultative de la culture, une déclinaison du volet culture des Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) où siègent des élus de toutes les collectivités ainsi que des acteurs culturels, des syndicats et des représentants des associations d’éducation populaire. Entre les réunions annuelles en plénière, des groupes de travail se réunissent sur divers “chantiers”, par exemple le projet de Sodavi [Schéma d’orientation pour le développement des arts visuels].
La relation avec les élus se fait aussi dans le cadre de la “compétence partagée”, dont la réelle mise en pratique reste difficile, car il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier.
Par ailleurs, si les PACT nous rapprochent des EPCI, en revanche nos relations sont pour le moment moins étroites avec les agglomérations et les métropoles, d’où un projet de charte culturelle de territoire pour voir ensemble là où nous pourrions concentrer notre engagement commun. Est-ce l’accès de tous les publics, la professionnalisation des artistes ? Il faut d’abord faire un bilan de l’existant. La charte devrait être finalisée cette année.
Quelles sont les principales ressources culturelles de la région ?
La Région est propriétaire du Domaine de Chaumont et du site du FRAC. Elle est responsable de l’inventaire régional du patrimoine, d’un studio de cinéma d’animation à Vendôme. Elle assure également en propre le dispositif “Cinémobile” : des camions-salles de cinéma desservant les communes ne disposant pas de salle à moins de 15km.
Quelles sont vos principales difficultés ?
La plus grande est liée au paradoxe du plafond “1,2%” : l’Etat nous engage à subventionner des équipements qu’il a lui-même labellisés et, dans le même temps, nous pénalise si nous le faisons. Autre difficulté, le Pass’ culture, car nous avons le nôtre – le Yeps – pour une aide aux jeunes quant à la culture, au logement et au transport. Seront-ils compatibles ? Nous craignons aussi que le pass’ national ne favorise les géants de l’audiovisuel, ce qui n’est pas notre philosophie.
Que vous apporte votre adhésion à la FNCC ?
Tout le travail de veille et d’information de la FNCC m’est très utile. J’ai aussi beaucoup apprécié la formation que j’ai suivie sur les lois NOTRe et LCAP. D’autres, par exemple sur l’enseignement spécialisé ou encore la formation continue professionnelle m’intéresseraient, car il n’est pas aisé d’exercer notre compétence sur ce point tant le paysage est éclaté ; nous savons que nous avons environ 15 000 emplois culturels, mais il s’agit d’une multitude d’associations, d’indépendants… Enfin, les rencontres avec les autres élus de la Fédération, comme à Avignon, sont précieuses.