Réalisé par le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture (Direction générale des médias et des industries culturelles/DGMIC) en partenariat avec l’Université de Rouen Normandie, ce tout premier “Atlas des bibliothèques territoriales” s’appuie sur la base de données 2021 du ministère concernant 15 500 équipements de lecture publique. Ce travail monumental – auquel a été associé en amont la FNCC à la suite de la parution du guide Bibliothèques territoriales : dispositifs d’accompagnement de l’Etat et témoignages d’élus réalisé en partenariat avec le Service du livre et de la lecture – s’avère d’autant plus pertinent que, depuis une dizaine d’années, les bibliothèques publiques ont considérablement changé, avec une démultiplication de leurs missions et un changement du profil et des attentes de leurs usagers.
Les indicateurs. Horaires d’ouverture, gratuité de l’inscription et accessibilité handicap, équipement informatique et ressources numériques, moyens humains et financiers, variété de l’offre documentaire, diversité des actions culturelles et des partenariats, valorisation des fonds patrimoniaux… tels sont les principaux indicateurs que mesure, au niveau national puis région par région, cet Atlas. Les données ont été recueillis auprès des 15 500 lieux de lecture (bibliothèques et points lecture) répartis sur tout le territoire français, métropolitain et ultramarin. Avec un constat global, déjà connu mais ici très précisément documenté : les bibliothèques sont le premier réseau culturel de France – « un maillage territorial très dense réussi en France », se félicite le directeur du Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture, Nicolas Georges – et le plus dynamique par sa faculté à développer de nouvelles missions et à s’inscrire comme des acteurs culturels polyvalents dans les territoires, via des partenariats et des réseaux.
Mais attention à ce que l’on entend par “bibliothèques”. Elles sont désormais autres qu’elles n’étaient : « La fonction initiale de prêt des bibliothèques est dépassée : les collectivités ont su en faire des lieux ouverts dans la cité, libres d’accès et riches de ressources, en phase avec les évolutions de la société et les besoins des populations » (Nicolas George). Un temps considérées comme en voie d’obsolescence sous la pression du développement d’Internet et des outils numériques, les bibliothèques ont su pleinement renouveler leur rôle de service public de la culture.
Les trois types de bibliothèques. L’Atlas distingue trois groupes d’établissements de lecture publique (cartes ci-contre) :
- Les établissements dits “majeurs” (26% du total) dont les caractéristiques sont la multiplicité des actions culturelles, le grand nombre de partenariats, l’ampleur des espaces d’accueil et la densité des collections (plus de 30 000 documents). A noter aussi l’amplitude horaire de leurs périodes d’ouverture (jusqu’à 50 heures ou plus pour une vingtaine d’entre elles).
- Les établissements de taille moyenne (23%), plus petites, ouvertes en moyenne 17 heures par semaine et dont le volume de documents est trois fois inférieur à celui des grandes bibliothèques.
- Les points d’accès au livre, ou “points lecture”, très présents en territoires ruraux. Avec des horaires d’ouverture réduits (7h/semaine) et un volume d’offre resserré (2 360 documents) mais une activité de prêt significative.
Données générales : accessibilité… Les informations sont innombrables. On apprend ainsi que 85% des Françaises et des Français dispose d’une bibliothèque sur leur commune de résidence, qu’en moyenne il y a 23 établissements pour 100 000 habitants mais que l’offre en territoire rural est moindre : seul un tiers des communes ont une bibliothèque. L’Atlas estime à 2,2 millions le nombre de personnes n’ayant pas accès à une bibliothèque en moins de 10 minutes en voiture. Pour l’accessibilité des bibliothèques aux personnes en situation de handicap, elle est opérationnelle pour 78% des établissements : 77% en milieu rural et 82% en territoire urbain.
… horaires d’ouverture… On apprend encore qu’une très grande disparité marque les horaires d’ouverture d’une bibliothèque à l’autre. De 12 heures hebdomadaires en moyenne pour l’ensemble des établissements, elle monte à 30h dans les villes de plus de 20 000 habitants et à 40h dans celles comptant 100 000 habitants et plus. Certes, d’autres pays européens ont mis en place une extension des horaires d’ouverture bien supérieure à celle des équipements français, mais cette disponibilité est à mettre en regard avec un très faible nombre d’établissements : 9 000 en Allemagne, 1 100 aux Pays-Bas.
… nouveaux usages… C’est sans doute l’apport le plus novateur de l’étude puisqu’il témoigne d’une mutation fondamentale, initiée dès 2016, du service public de la culture assuré par les bibliothèques : l’essor des nouveaux usages de la bibliothèque par celles et ceux qui les fréquentent. Alors que le nombre des inscrits baisse inexorablement, la fréquentation ne cesse de croître, passant de 35% des Françaises et des Français en 2005 à 40% en 2016. Cet intérêt croissant se fonde sur d’autres ressorts que le traditionnel emprunt de livres : lire sur place (38%), bénéficier d’une programmation culturelle, de la visite d’expositions, des équipements numériques…
… actions culturelles. En miroir à ces nouveaux usages, plus d’une bibliothèque sur deux en moyenne développe au moins une action culturelle. Avec deux principaux objectifs : construire une médiation sur les collections et inscrire la bibliothèque en tant que lieu culturel dynamique auprès des habitants en lui conférant davantage de visibilité.
Les types d’actions sont très variés, la première d’entre elles étant les séances de contes pour les enfants. Suivent les conférences, les rencontres avec des auteurs et séances de lectures. Les expositions sont également nombreuses et aussi, mais de manière moins généralisée, les actions de portage à domicile, l’animation de clubs de lecteurs et d’ateliers d’écriture, des concerts, de projections de films, des offres de formation aux outils numérique. Et bien sûr, souvent dans le cadre d’un contrat Territoire/lecture (232 conventions signées, total en 2021) ou Département/lecture (53 conventions signées), des ateliers de pratique artistique pour les familles, les scolaires accompagnés ainsi qu’une mise à disposition des locaux pour les devoirs scolaires.
A noter enfin une activité significative dans les hôpitaux (3% des bibliothèques) et les établissements carcéraux (4%) : 39% des établissements pénitentiaires ont un partenariat avec une ou plusieurs bibliothèques.
Les cartes par région. La deuxième partie de l’Atlas décline les indicateurs région par région. Quatre familles de carte sont présentées et commentées :
- l’implantation des équipements et leur typologie,
- l’amplitudes des horaires d’ouverture,
- la diversité des actions culturelles,
- l’accessibilité des bibliothèques (aires de rayonnement).
Enfin, ces données localisées sont complétées par vingt-cinq “portraits de bibliothèques”. Sont abordés par exemple le réseau de lieux communaux structuré par la bibliothèque départementale de l’Aude, la desserte intégrale de la population en Mayenne, la médiathèque en milieu rural le Trait d’Union à Sainte-Thorette (Cher), l’échange de graines et de boutures en bibliothèque à la médiathèque Colette à Valbonne (Alpes-Maritimes), le développement du “Facile à Lire” par la bibliothèque départementale de Guadeloupe…
La dotation générale de décentralisation. L’Atlas des bibliothèques territoriales signe un succès remarquable d’une politique culturelle publique. Un succès à mettre sur le compte de l’engagement des collectivités, la lecture publique étant la seule politique culturelle entièrement décentralisée. Mais ce succès est aussi le résultat d’une politique nationale, comme le souligne d’emblée Nicolas Georges : « L’impulsion donnée par la mise à disposition des collectivités de moyens financiers importants grâce au concours particulier Bibliothèques de la dotation générale de décentralisation depuis 1986 est bien visible dans l’Atlas. »
Une conclusion s’impose : la réussite d’une politique culturelle publique s’avère étroitement liée à la qualité du partenariat entre les collectivités et l’Etat.