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Portrait culturel d’Arles

By 6 avril 2023mai 16th, 2023No Comments

Claire de Causans, maire-adjointe à la culture et à la vie associative d’Arles

La “capitale de la Camargue”, qui abrite aussi huit monuments classés patrimoine mondial de Unesco, est la plus grande commune de France. Arles compte 52 000 habitants dont 20 000 répartis sur un archipel de villages et lieux dits jusqu’à une quarantaine de kilomètres du centre-ville. Dans ce territoire atypique à la très forte richesse culturelle – au point d’une saturation de l’espace et du temps du printemps à l’automne, avec notamment les Rencontres de la photographie ou encore le festival Les Suds –, le rôle de la délégation à la culture relève d’une fonction vitale et transversale. Claire de Causans, maire-adjointe à la culture et à la vie associative, et vice-présidente de la FNCC, dit sa passion d’être au service de la cité et de sa population, en particulier des jeunes, avec une politique d’EAC très volontariste et une attention à leur offrir sur place toutes les possibilités de formation aux métiers des arts et de la culture.

Quelles motivations vous ont-elles conduite à la politique ?

Je suis architecte de formation et investie dans plusieurs associations patrimoniales, historiques et archéologiques. Lors de la dernière campagne municipale, j’ai participé à des réunions du candidat Patrick de Carolis. Par la suite, il m’a demandé d’intégrer sa liste. Comme j’habite Arles depuis trente ans et que cette ville m’a beaucoup donné, j’ai fini par me lancer. Un engagement donc davantage au service de ma ville que par choix politique.

Le patrimoine fait-il partie de votre délégation ?

Non. L’élue au patrimoine, archéologue, s’occupe également de l’urbanisme et du foncier. Cependant, dans la direction des services, le directeur pour la culture est aussi en charge du patrimoine. Je suis donc sans arrêt en lien avec les enjeux du patrimoine, bâti comme immatériel, et ce d’autant plus qu’à Arles de très nombreux spectacles ont lieu dans des monuments classés de la ville.

Spectacle de Marie-Claude Pietragalla au Théâtre antique d’Arles ©Hervé Hôte/agence caméléon/ville d’Arles

Le patrimoine immatériel ?

Le patrimoine immatériel et naturel est valorisé par une forte tradition provençale très ancrée dans les villages et hameaux de notre commune, et bien au-delà. Ce sont les traditions de l’Arlésienne, de la Camargue ou encore des paysages que préservent les Parcs naturels régionaux. Une identité forte, dont on tient compte par sa valorisation dans les spectacles, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans notre ambition environnementale.

Comment décririez-vous votre commune ?

Arles est la commune de France la plus étendue, grande comme trois fois Marseille et huit fois Paris ; une commune donc à la fois urbaine et rurale. Sa partie côtière, par exemple, se situe à 45km du centre-ville ! Les habitants du cœur de ville sont très conscients de ce qui se passe partout sur le territoire de la commune, et inversement. Cette ambivalence est aussi une qualité, car elle nous oblige à toujours rechercher l’interaction entre la part urbaine et la part rurale du territoire, avec de plus en plus d’action hors les murs, que ce soit pour le festival Les Suds ou les Rencontres de la photographie. De ce même point de vue, nous disposons bien entendu d’un médiabus, ce qui n’empêche pas le personnel de la médiathèque de se déplacer lui-même dans les villages.

Et d’un point de vue démographique ?

Arles compte environ 32 000 habitants “intramuros” et 20 000 dans les hameaux et villages. La ville compte trois quartiers “prioritaires”, construits dans les années 80, dans lesquels nous menons des actions ciblées, que ce soit via le conservatoire, la médiathèque ou les associations. Et, surtout, avec des actions d’éducation artistique et culturelle, une politique dont la Ville a fait sa priorité. Même les grands festivals de l’été s’y engagent. Le festival Les Suds, par exemple, installe une radio dans ces quartiers, ce qui est très porteur. On sait que plus on aura d’initiatives et d’associations au cœur de ces quartiers, mieux ce sera – ce que confirment leurs habitants –, car il s’agit d’un moyen essentiel pour lutter contre la gangrène de la drogue, chez nous un véritable fléau.

Il faut ajouter que, contrairement à l’image qu’on peut en avoir, plus de 50% de la population arlésienne ne paie pas d’impôt. Mais il y a aussi une part plus aisée. Avec ses 310 jours de soleil par an, nombre de gens viennent s’installer à Arles. Une tendance qu’a accrue la crise sanitaire. Avec pour conséquence une augmentation du coût du m2. Cet afflux démographique est sans doute en partie liée à plus de trente ans de politiques misant sur le tourisme et la culture. L’installation de la Fondation LUMA, dédiée à l’art contemporain, contribue aussi à ce dynamisme. Aujourd’hui, on essaie de faire revenir des entreprises, notamment atour du numérique et du domaine de l’image dans le cadre du label « Arles créative », avec des activités de films d’animation et de cinéma.

La politique culturelle de la ville est donc liée à une ambition d’ordre économique ?

Oui, mais aussi et surtout sur le plan de la formation. Dans les quartiers “prioritaires”, on a en effet identifié des jeunes qui n’auront pas les moyens d’aller faire des études à l’extérieur. D’où un fort développement, souvent en lien avec Avignon, de la formation qu’on appelle “l’école de la main”, autour des artisanats numériques et, plus largement, de l’image : caméraman, fabricant de costumes, de décors… Avec l’idée de donner la possibilité à chacun de saisir sa chance dans ces métiers sur place. Pour compléter cette dimension “plastique”, nous inaugurons d’ailleurs, ce printemps, la 1re édition d’un festival de dessin.

Quel rôle joue la culture à Arles ?

De mi-juin (avec deux férias, donc beaucoup de monde) à fin-septembre, l’offre culturelle est non-stop, et ce depuis déjà longtemps. L’objectif serait, pour ainsi dire, de “désaisonner” la vie culturelle, notamment par un travail avec les écoles.
La culture c’est aussi une façon, par divers moyens et dans diverses disciplines artistiques, d’aller au plus près des élèves. Toutes les structures culturelles déploient des actions en lien avec les écoles : le musée, le théâtre municipal et la médiathèque développent de nombreuses médiations. Ces équipements accueillent également beaucoup de résidences d’artistes et, pour la deuxième année, nous prêtons un lieu patrimonial, plusieurs semaines durant, pour des résidences d’artistes, suivies de restitutions publiques auxquelles sont associées les élèves des établissements scolaires. De ce point de vue, nous sommes très fortement soutenus par la DRAC. La ville a d’ailleurs obtenu le label “100% EAC” (Arles a été présente dès l’origine de cette ambition), grâce en particulier à notre DAC, toujours force de proposition et partant pour de nouvelles actions dans ce domaine comme dans d’autres.

Même si certaines actions ne concernent que quelques personnes, l’essentiel est d’avoir touché une sensibilité, d’avoir fait rêver, fait imaginer… Le partage vient après l’émotion et la valeur de la culture réside en cette communion singulière initiale.

Quels principes guident votre action ?

Notre vœu fondamental est d’avoir un public aussi élargi que possible : “la culture pour tous”. Le slogan est banal, mais la volonté politique particulièrement forte. Je tiens à préciser qu’il ne faut surtout pas mesurer les résultats de cette ambition de manière chiffrée. Même si certaines actions ne concernent que quelques personnes, l’essentiel est d’avoir touché une sensibilité, d’avoir fait rêver, fait imaginer… Au départ, un artiste essaie de faire partager sa sensibilité propre à quelqu’un d’autre., pas forcément à une foule. Le partage vient après l’émotion et la valeur de la culture réside en cette communion singulière initiale. C’est ainsi que, dans les “quartiers” (le terme est un peu malheureux), l’impact d’une compagnie, aussi bien implantée soit-elle, peut se réduire à une dizaine d’enfants ; mais, même alors, c’est gagné ! Et si on touche un public large par des choses plus accessibles, tant mieux, c’est également positif. Tout ce qui aide les jeunes à construire leur personnalité est précieux. Donc essayer de toucher chacun d’entre nous de façon différente.

Concert de Bernard Lavilliers au Théâtre antique d’Arles ©Hervé Hôte/agence caméléon/ville d’Arles

La diversité peut aussi être prise en compte au travers de la transversalité de enjeux culturels…

Nous travaillons constamment ensemble entre élus, avec l’environnement, la culture, le social… La nature atypique de la ville, par sa dimension, par sa diversité, appelle ces croisements. Par ailleurs, l’équipe municipale compte beaucoup de primo-élus, d’où une sorte de regard neuf, d’une certaine liberté d’esprit mais aussi de modestie. Cet état d’esprit s’avère propice à ce travail solidaire et en transversalité.

Les effets d’une politique ne se mesurent parfois que sur le long terme…

La continuité est essentielle. J’ai, pour ma part, bien conscience de n’être qu’un relai dans une politique portée au travers d’équipes municipales successives, d’autant plus qu’en tant qu’élus, nous ne faisons qu’accompagner des services, plus stables dans le temps que nous, dont le travail est d’une extrême qualité. Quoi qu’il en soit, en partant, je dirai à la personne qui me succèdera la chance inouïe d’exercer ce mandat à la culture !

Rencontrez-vous des difficultés pour son adaptation à la transition énergétique ?

A la suite d’une difficulté pour implanter une fontaine sur une place en centre-ville, nous avons été sélectionnés par la DRAC pour être “ville pilote” dans le projet des “Villes fraîcheur”, atour de la réflexion sur les manières de s’adapter au changement climatique du point de vue des activités culturelles dans une ville patrimoniale où s’imposent énormément de contraintes. Nous allons travailler tout au long de l’année avec des étudiants de l’Ecole d’architecture de Marseille, avec des sociologues, des spécialistes des questions environnementales. A priori, un livre issu de cette réflexion sera publié à l’occasion de la Journée de l’architecture, en octobre prochain, avec pour objectif que cette recherche inspire d’autres villes patrimoniales.

Quelles sont vos principales difficultés : un soutien insuffisant des autres élus ? Et vos principaux manques ?

Je ne ressens aucun désintérêt de la part des autres élus. Mon mandat comporte aussi la vie des associations, ce qui n’est pas rien à Arles, où l’on en recense près de 400. Nous nous appuyons beaucoup sur elles. J’ai ainsi pu identifier celles qui pourraient intervenir là où manquerait encore une action un peu forte, comme au moment de Noël. Ce travail avec les associations génère beaucoup d’interaction entre délégations.

Mais ma difficulté principale, c’est la détresse que l’on ressent dans certains quartiers, notamment autour de points de trafic de drogue. Tant que persistera cette présence, il restera impossible d’être tout à fait satisfaits et sereins…

Etes-vous conseillère communautaire ? Quels rapports avec l’intercommunalité ?

Oui, je suis conseillère communautaire, sachant que l’intercommunalité n’a pas pris la compétence culturelle, exceptée pour ce qui est du Conservatoire. Je connais donc la plupart des élus à la culture de l’EPCI, qui se compose de six communes : Arles, Les Saintes-Maries-de-la-Mer, Saint-Martin-de-Crau, Tarascon, les villages de Boulbon et de Saint-Pierre-de-Mézoargues. Nous essayons de mener des actions communes mais il n’est pas toujours facile de sortir du cadre arlésien.

Quel serait votre idéal de vie culturelle à Arles ?

A mes yeux, l’idéal serait que la conjugaison entre l’action culturelle publique et l’initiative privée se renforce, d’autant plus que les financements publics se restreignent. Bien sûr nous avons la chance d’avoir ici de nombreuses fondations et de travailler en bonne intelligence avec elles ; mais cette interaction pourrait aller plus loin encore.

Vous êtes vice-présidente de la FNCC. Qu’attendez-vous de la Fédération ?

J’avoue qu’au départ, je ne connaissais pas la Fédération. Un été, Jean-Philippe Lefèvre, alors président, est venu à Arles et m’a proposé d’être vice-présidente… Aujourd’hui, je constate qu’avec ses relais auprès des institutions nationales, du ministère, la FNCC assume un véritable rôle de porte-parole des territoires. Une fonction capitale. Quant à moi, qui me suis engagée surtout pour la ville et pour les Arlésiens, le pluralisme politique de la Fédération, en particulier, m’enchante.

Propos recueillis par Vincent Rouillon

“Rues en musique”


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