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Portrait culturel du Kremlin-Bicêtre

By 1 février 2023février 23rd, 2023No Comments

Anissa Azzoug, maire-adjointe à la culture, à l’égalité et aux droits des femmes du Kremlin-Bicêtre – ©Alex Bonnemaison

Le Kremlin-Bicêtre, l’une des très nombreuses collectivités du Val-de-Marne adhérentes à la FNCC, compte 26 000 habitants. Petite commune de la Première Couronne parisienne, elle a pour particularité une extrême densité de population et, à l’instar de beaucoup de banlieues proches de la Capitale, exerce une forte attraction sur les Parisiens, avec pour résultat une réelle mixité sociale. Anissa Azzoug, maire-adjointe chargée à la culture, à l’égalité et aux droits des femmes, décrit une politique volontariste de démocratisation culturelle dont l’un des vecteurs majeurs est l’action hors les murs, que ce soit celle de la médiathèque, du théâtre ou du conservatoire.

Quelles motivations qui vous ont-elles conduite à l’engagement politique ?

Je suis issue d’une famille de militants politiques : porter une oreille attentive au bien-être de mes concitoyens m’est familier depuis l’enfance. A l’adolescence, j’ai adhéré à un parti politique, ensuite j’ai souhaité travailler dans le milieu politique, notamment auprès d’élus. Entrer aujourd’hui dans une équipe municipale est donc une manière de pérenniser mon engagement.

La délégation à la culture est-elle un choix de votre part ?

Très sensible depuis toujours aux arts et à la culture, j’avais très envie de travailler dans le cadre de cette délégation, ce dont au départ je ne me sentais pas capable. N’étant pas une professionnelle du secteur, j’en avais peur. Mais au moment de la constitution de notre liste électorale, je me suis lancé ce défi, car la culture est une arme forte pour faire valoir ses valeurs.

Votre délégation est plurielle…

Nous nous sommes vite aperçus, avec le maire et l’ensemble des élus, que la délégation culture est transversale à l’ensemble des autres. Si je suis adjointe à la culture, à l’égalité et aux droits des femmes, je travaille aussi avec mes collègues de toutes les autres délégations : jeunesse, social, urbanisme… Au début du mandat, je m’affolais de l’étendue de mon champ d’action. D’où, au bout de deux ans, le choix de centrer la délégation sur la culture tout en sachant qu’elle est transversale.

La population a-t-elle une forte composante multiculturelle ?

Il y a en effet une forte dimension géoculturelle, à plusieurs échelles, à la fois démographique, géographique et institutionnelle. Nous faisons partie de la Première Couronne de la banlieue parisienne. Avec la construction du Grand Paris, le territoire est en pleine effervescence. Nous bénéficions à la fois des avantages et des inconvénients de cette situation.

Quand on est proche de Paris, les habitants fréquentent naturellement les lieux culturels de la capitale plutôt que ceux de la ville. En revanche, on bénéficie aussi de son rayonnement. Un exemple : les Kremlinois bénéficient d’une ligne budgétaire spécifique au street art, car le sud de Paris et le 13e arrondissement en particulier, auquel Le Kremlin-Bicêtre est attenant, constituent un terrain privilégié pour ces expressions urbaines. C’est bien grâce à ce partage que nous avons réussi à faire venir l’artiste mondialement connu C215. Plutôt que de s’en plaindre, il faut savoir se féliciter de la proximité à Paris.

Jeux circassiens pendant le festival d’été Arts’ Dentes du Kremlin-Bicêtre – ©Alex Bonnemaison

Le Grand Paris apporte-t-il des moyens financiers ?

En effet. La proximité de Paris ouvre d’importance possibilité de financements, et ce au-delà de l’EPCI. Pendant la première année de ce mandat, par exemple, j’ai déposé un dossier de candidature au label Capitale européenne de la culture. Or nous, petite ville de 26 000 habitants, nous n’avions évidemment aucune chance de l’obtenir seuls, mais cela a donné lieu à une mutualisation entre villes de banlieue dans le cadre de cet appel à projet. Par ailleurs, on bénéficie notamment d’appels à projets via la région Ile-de-France pour des résidences d’artistes ou encore de financements de la Ville de Paris et nous travaillons dans le même temps à la recherche de fons européens.

Quels sont les principaux équipements culturels de votre commune ? Sont-ils intercommunalisés ?

Nous avons délégué le bâtiment de la médiathèque l’Echo au Grand-Orly Seine Bièvre – l’un des Territoires du Grand Paris –, sa gestion restant à la Ville. Le Théâtre l’ECAM Espace culturel André Malraux et le Conservatoire sont aussi intercommunaux. Il faut préciser que notre maire est vice-président à la culture du Territoire et que je suis également conseillère communautaire.
Parmi les autres ressources et dans le cadre du Plan local d’urbanisme, nous travaillons à un projet de tiers-lieu qu’on espère voir aboutir d’ici la fin du mandat. Enfin, nous mettons à disposition des professionnels, des classes de musiques actuelles du Conservatoire et des associations un studio musique, avec un technicien ainsi que des moyens techniques pour les répétitions et l’enregistrement. Nous avons enfin un espace d’exposition dans la halle de la médiathèque.

Quelle est, d’un point de vue géographique, la particularité du Kremlin-Bicêtre ?

Sa densité. C’est une ville qui, en plus d’être petite, accueille un énorme CHU ainsi que le Fort militaire du Kremlin-Bicêtre, à vocation nationale : à eux deux, ces bâtiments couvrent près de 45% du territoire de la commune.

La culture jour un rôle essentiel de décloisonnement et d’inclusion. A mon sens, elle est un outil majeur d’émancipation et de décolonisation des consciences.

Y a-t-il une tendance à ce qu’on appelle la « gentrification » ?

Oui. De très nombreux Parisiens viennent s’installer pour agrandir leur logement, ce qui apporte une mixité sociale bienvenue, d’autant plus que nous avons une forte politique de logement social – nous devrions en être à 40% à la fin du mandat. Si cette gentrification peut sembler constituer un problème, nous en faisons pour le moment un atout.

Lectures et jeux hors les murs avec les Ideas Box de la médiathèque – ©Ville du Kremlin-Bicêtre

Quel rôle joue la culture ?

Un rôle essentiel de décloisonnement et d’inclusion. A mon sens, la culture est un outil majeur d’émancipation, de décolonisation des consciences. Une frange de la population fréquente assidument les spectacles, va à la médiathèque et a naturellement envie d’inscrire ses enfants au Conservatoire, ce qu’il faut encourager. Mais d’autres pensent que la culture n’est pas pour eux, que ça leur est inaccessible. D’où une forte politique du hors les murs : pour faire venir les gens à nous, nous allons d’abord à eux.

C’est ainsi que nous avons acquis en 2021 des bibliothèques mobiles – des Ideas-Box en partenariats avec Bibliothèque sans frontière – que nous déployons depuis un an dans les quartiers difficiles, au centre social, dans les jardins publics… Ça marche du tonnerre ! Et nous avons déjà remarqué depuis une croissance des inscriptions à la bibliothèque. Nous travaillons aussi à développer des spectacles de rue, en lien avec le Conservatoire et avec le Théâtre avec lequel nous avons une convention de partenariat annuelle en ce sens. Le Théâtre est aussi notre partenaire pour un festival des arts de la rue – les Art’dentes – que nous avons initié et dont nous préparons cette année la 3e édition.

A noter également une programmation appelée « Le classique, c’est fantastique ! », avec des concerts dans différents lieux de la ville, notamment à la mairie, à la médiathèque ou au centre social. Ces spectacles proposés dans des lieux quotidiens et familiers conduisent par la suite à fréquenter le Conservatoire ou même à aller au concert dans une salle parisienne. Nous travaillons également avec les nombreux acteurs culturels de la ville : artistes et associations qui ont la volonté de développer et faire vivre la culture sur notre territoire. Donc des politiques très incitatives.

Est-ce difficile de défendre la culture ?

Aucunement. Tout au contraire, la culture constitue l’un des plus gros budgets de la Ville. Il est vrai que, comme l’égalité, c’est une dimension très fédératrice ; personne n’oserait dire à haute voix que la culture n’est pas indispensable. De surcroît, je suis associée à toutes les délégations. En travaillant, par exemple, avec l’élu à l’urbanisme, nous avons décidé de systématiser le « 1% artistique » et de le promouvoir auprès des promoteurs.

Exposition dans le hall de la médiathèque à l’occasion du Festival du cinéma 2022 – ©Ville du Kremlin-Bicêtre

Quels principes guident votre action ?

Le hors les murs et, de manière plus générale, la démocratisation culturelle. Nous sommes ainsi la deuxième Ville du Val-de-Marne, après Vincennes, a avoir ouvert une artothèque pour laquelle nous gérons une ligne budgétaire d’acquisition d’œuvres d’art, ce qui, indirectement, permet d’encourager les artistes qui vivent dans notre commune. Beaucoup se sentaient insuffisamment reconnus et souhaitaient s’investir sur le territoire, ce pour quoi nous avons notamment pérennisé les « journées portes ouvertes » des ateliers d’artistes. Nous les avons aussi mis à contribution pour la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes en leur proposant de réaliser une œuvre à l’occasion d’une vente caritative au bénéfice de deux associations.

Un projet particulier ?

Un tiers-lieu autour des arts graphiques (c’est encore en discussion) de manière à compléter l’offre culturelle dans la ville. Nous avons également obtenu des fonds du Territoire pour le déménagement du Conservatoire dans les locaux de la médiathèque où trois étages lui ont été réservés dès sa construction, en 2012.

Autre projet, le développement de nos deux orchestres Démos dans lesquels 70 élèves sont engagés: nous avons fait la proposition à la Philharmonie de Paris que les temps périscolaires, actuellement animés par le Conservatoire, associent aussi les orchestres Démos en leur ajoutant la dimension vocale.

Quelles sont vos principales difficultés et vos principaux manques ?

Les budgets. Les moyens pour la culture sont certes déjà importants mais je les voudrais plus encore… Il y a aussi le problème, je crois général, du lien avec les adolescents. Une autre difficulté est celle de la coopération avec d’autres villes, non par manque de volonté mais de temps et de moyens. Cela étant, dans le cadre du Grand Paris et de ma délégation au Territoire, des projets finissent par prendre corps, comme mutualiser les spectacles d’une compagnie venue du Sud de la France. Mais de ce point de vue de la coopération territoriale, beaucoup de travail reste à faire.

Et la coopération internationale ?

Le Kremlin-Bicêtre est jumelé avec une ville du Sénégal, Bargny, pour un partenariat associant les bibliothèques. Par ailleurs, en 2021, nous avons temporairement reçu des migrants. Enfin, dans le cadre de la solidarité internationale, nous prévoyons une soirée en soutien à l’Ukraine.

Quel serait votre idéal de vie culturelle ?

Que la vie culturelle ne soit plus un « plus ». Qu’elle soit partout et que finalement, comme c’est aussi le cas pour la délégation aux droits des femmes, celle à la culture n’ait plus lieu d’être ; cela signifierait qu’elle a vraiment trouvé sa place.

Quelles raisons vous ont-elles conduite à adhérer à la FNCC ? Qu’en attendez-vous ?

J’y trouve beaucoup d’informations et d’idées. Mais j’aimerais pouvoir consacrer davantage de temps à la Fédération. Le billet hebdomadaire en particulier est un vivier d’informations assez impressionnant. Par ailleurs, les prises de position de la FNCC pour relayer la voix des territoires au niveau national me paraissent absolument essentielles. Là encore, il faudrait que nous n’ayons plus à convaincre de l’importance des enjeux culturels. Or la culture, encore souvent assimilée à du divertissement, demeure la ligne budgétaire qu’on rogne en premier. Faire passer un message politique s’avère ici essentiel : l’accessibilité pour tous.

Fête de la musique 2022 avec la collaboration du Conservatoire intercommunal – ©Ville du Kremlin-Bicêtre

Propos recueillis par Vincent Rouillon


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