Les éditions de l’Attribut publient un ouvrage collectif dont l’ambition première est de « déconstruire les a priori » négatifs que suscite la notion de droits culturels : favoriser le relativisme, le communautarisme, la dérive populiste… Une deuxième partie relate un certain nombre d’expérimentations dans l’application du principe des droits culturels considéré comme « un horizon, un lieu de débat plutôt qu’un dogme » (introduction).
Les droits culturels, tardivement formalisés par la Déclaration de Fribourg (2007), prennent l’une de leur source, dans les années 60, à l’occasion d’une lutte, au Brésil, contre un pouvoir politique exerçant une mainmise sur des groupes socio-ethniques défavorisés. Une résistance combattive qu’incarnera l’homme politique et dramaturge Augusto Boal, auteur du Théâtre de l’opprimé (1971).
Par l’affirmation de dignité qu’elle peut apporter à toutes et à tous, la culture est apparue dans ce contexte comme un outil de résistance collective. Une telle revendication politique de la dignité des cultures faisait directement écho à son emploi géopolitique par l’Unesco dans la “Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale” (1966) : « Toute culture a une dignité et une valeur qui doivent être respectées et sauvegardées » (article premier).
Le tout premier texte de l’ouvrage collectif Droits culturels, les comprendre, les mettre en œuvre, intitulé « Les droits culturels, un changement de paradigme », part de cette même approche politique et donc collective – citoyenne – de la dignité culturelle. « Au-delà de la reconnaissance des personnes, l’enjeu est celui d’une prise de conscience et d’une lutte contre les injustices et les oppressions systémiques qui reproduisent un ordre social inégalitaire, sans quoi l’indignité retombe sur le sujet lui-même. »
Notant que dans un contexte d’accélération et de mondialisation des échanges, certaines sociétés ou certains groupes détiennent des moyens inédits pour imposer leurs normes, l’article souligne qu’alors apparaissent des cultures qui « ne jouissent pas des mêmes opportunités d’expression dans la sphère publique. […] Ce que pointe l’exigence de dignité inhérente aux droits culturels, ce sont les processus sociaux intériorisés et institutionnalisés qui tendent à minorer, à invisibiliser certains acteurs, certaines formes, certaines disciplines ou encore certaines pratiques artistiques et culturelles. »
Ainsi appréhendé, le « nouveau paradigme » des droits culturels est donc éminemment critique. Il identifie des souffrances liées à des dénis de dignité. En servant d’ouverture à un large ensemble de textes d’analyse et de témoignages d’expérience, la contribution des chercheuses Réjane Sourisseau et Cécile Onfroy les place sous le signe d’un droit politique et citoyen universel, loin de toute fierté communautaire ou exaltation populiste, ou encore de toute indifférenciation relativiste.
Cette approche qui, en plaçant la dignité humaine au cœur de la notion de droits culturels, les inscrit sous le signe du combat collectif au service d’une émancipation individuelle, se voit- confirmée et complétée au fil du recueil. Le deuxième article, signé de Patrice Meyer-Bisch, est intitulé « Libertés et droits culturels : les antidotes contre les communautarismes ». Dans le suivant – « Relativisme ou universalité des droits culturels ? » –, Jean-Michel Lucas précise que « les droits culturels, loin de prôner le relativisme culturel, sont des droits humains fondamentaux à valeur universelle ». Quant au troisième (« Du citoyen générique à l’individualité politique : les droits culturels en question », de Joëlle Zask), il note qu’en tant que droits de la personne, les droits culturels « permettent de protéger ce qui constitue une culture commune de la prédation de quelques individus », soit l’opposé du populisme…