La menace de la violence est là, et avec elle la crainte que les événements qui se déroulent dans l’espace public ne deviennent ses cibles. Certes, cet été n’a pas connu beaucoup d’annulations de spectacles et de manifestations culturelles. Pour autant, l’atmosphère a pu être lourde et le bonheur d’être ensemble gâché, abîmé.
Les maires portent la lourde responsabilité d’autoriser ou d’interdire. Mais ils peuvent s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire des artistes, des organisateurs ainsi que des spectateurs qui, eux aussi, mesurent les risques éventuels et préfèrent leur opposer la joie, la fête, le plaisir de la fraternité, la chaleur de la sororité. Nous savons tous que, sans pour autant nier la nécessité d’être attentifs et de se donner les outils de la vigilance, la confiance partagée et la fête de l’intelligence et le jeu de la sensibilité dont sont porteurs les manifestations artistiques et culturelles dans l’espace public constituent les meilleures parades contre la stupidité de la violence aveugle.
Quelle doit être ici notre ambition ? A quoi doit contribuer un dialogue plus dense entre politiques, acteurs et spectateurs et spectatrices, un dialogue fondé non pas sur une absurde témérité ou sur une déraisonnable négation du danger, mais précisément sur la raison ?
La raison nous dit d’abord ceci : l’espace public est la meilleure scène de notre plaisir de vivre la démocratie. La convergence de la fête, de l’art et de la rue relève d’une nécessité : rendre indisponible ou trop inhospitalier l’espace public menacerait notre société dans sa cohésion même, dans sa capacité à conjuguer le “je” et le “nous”. Car c’est là qu’on rencontre l’Autre – lieu de rendez-vous perpétuel de la curiosité, de la découverte et de la tolérance.
La situation actuelle, évidemment alarmante, n’a-t-elle aussi pas cette vertu de nous faire redécouvrir la qualité démocratique de l’espace public ? La rue, quand elle s’anime de l’expression populaire ou de l’intensité artistique dit la République. Elle lui permet de se dire, de se manifester avec force à chacune, à chacun. C’est un bien proprement culturel, un “équipement” précieux, le chapiteau de notre vie démocratique. Il faut en défendre toutes et tous ensemble cette vocation.
Sans doute est-il indispensable de sécuriser. Sans doute aussi, l’inquiétude ne peut ni ne doit se dissiper. C’est avec l’inquiétude, mais aussi avec la confiance qu’apporte la responsabilité partagée et avec une conscience plus vive qu’une société où la rue s’assimile au danger ne peut que dépérir qu’il nous revient de résister et de continuer à y inventer ensemble les formes de notre univers symbolique, de notre avenir.
Quelle ambition ? Elle est aussi vieille que notre devise républicaine : fraterniser dans le plaisir et par l’intelligence, partager nos différences dans l’égale émotion et l’égal émerveillement que procure l’art, et surtout être libre : libre de se promener, libre d’inventer, libre d’assumer l’inquiétude et de lui opposer la confiance.
Groupe de concertation d’élus et de professionnels sur les arts de la rue
FNCC – Fédération nationale des arts de la rue – Artcena