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Pour une République culturelle décentralisée

By 27 janvier 2022octobre 11th, 2022No Comments

Le Manifeste de la FNCC « Pour une République culturelle décentralisée », rédigé collectivement dans le respect du pluralisme politique et territorial fondateur de la Fédération, a été rendu public par voie de conférence de presse, le jeudi 27 janvier. Présentation des 10 mesures phare et 30 chantiers à l’adresse des candidates et candidats à l’élection présidentielle 2022.


Manifeste de la Fédération nationale
des collectivités territoriales pour la culture

Télécharger le Manifeste de la FNCC (pdf)

 

Préambule. Le financement des politiques culturelles publiques, dont le premier objectif est de soutenir les arts, les artistes et la création, est assumé à plus des deux tiers par les collectivités territoriales. Et l’innovation culturelle naît pour l’essentiel des territoires. On ne peut ni imaginer ni construire une politique culturelle nationale en dehors du cadre d’une décentralisation culturelle fondée sur un dialogue mutuellement respectueux et attentif entre l’Etat et les collectivités.

L’élection présidentielle d’avril 2022 se tiendra après – espérons-le – une crise sanitaire dont l’un des premiers enseignements aura été la nature “nécessaire” de la vie artistique et culturelle dans notre société. La culture est le premier outil d’expérimentation de la liberté. Par ses valeurs de tolérance et d’innovation, de partage et d’épanouissement, elle est à la fois un outil et un accomplissement de la démocratie.

Aujourd’hui, notre pays fait face à des choix qui engagent l’avenir à long terme : le défi des enjeux climatiques et environnementaux, l’adaptation à la mutation numérique, la crise de la représentation politique, la lutte contre les inégalités, la demande de démocratie participative, l’exigence de respect de la diversité et des droits culturels, la défense de “l’exception culturelle”, l’inscription dans la dynamique européenne…

La culture est au cœur de la gouvernance sociale, symbolique, économique et politique. Si les enjeux artistiques et culturels y sont pleinement considérés, ce temps de l’élection présidentielle peut devenir une étape décisive pour notre pays, pour sa place dans le monde.

Par ce manifeste – fruit du pluralisme politique et territorial fondateur de la FNCC –, nous, élu.e.s locaux militants pour la culture et les arts, proposons à l’attention de celles et ceux qui se présentent à l’exercice de la plus haute fonction de l’Etat 30 chantiers exigeant une écoute réciproque et une action conjointe entre l’Etat et les collectivités territoriales, dans le respect de l’autonomie de toutes les instances élues de la République.

Candidates, candidats à l’élection présidentielle de 2022, au terme de ce mandat gouvernemental et dans le contexte d’une crise sanitaire qui a profondément fragilisé le monde de la culture et modifié les attentes et les comportements culturels des Françaises et des Français,

QUELLE AMBITION PORTEZ-VOUS POUR LES POLITIQUES CULTURELLES
AU NIVEAU NATIONAL ET EN LIEN AVEC LES PRINCIPAUX SOUTIENS DE
LA VIE CULTURELLE QUE SONT LES COLLECTIVITES TERRITORIALES ?

Dix mesures phare pour renforcer et renouveler les politiques culturelles publiques

La FNCC propose aux candidates et aux candidats à l’élection présidentielle de 2022 d’inscrire à leurs programmes dix perspectives pour préserver l’héritage des politiques culturelles, pour renforcer leur efficacité démocratique et pour en engager un renouvellement en profondeur :

préserver

1. Intégrer et renforcer, dans l’esprit de la Convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel, le soutien au “petit patrimoine”, qu’il soit propriété de collectivités ou de personnes privées, dans les grandes orientations des politiques patrimoniales.

  • Prolongerez-vous et renforcerez-vous le “Fonds spécifique en faveur des monuments historiques situés dans des communes à faibles ressources” initié en 2018 ? Engageriez-vous la France dans le processus de la ratification de la Convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel pour la société ?

2. Placer les jeunes au cœur des objectifs des politiques culturelles publiques en promouvant les pratiques en amateur et en développant l’éducation artistique et culturelle à l’école.

  • De quelle reconnaissance doivent bénéficier les pratiques en amateur de la part de l’Etat et quel accompagnement public leur dédier, que ce soit à l’école ou hors cadre scolaire ?
renforcer

3. Promouvoir activement l’égale représentation des femmes et des hommes dans la création artistique et aux responsabilités culturelles, lutter contre les violences sexuelles et sexistes, développer la sensibilisation à l’égalité femme/homme et instaurer la prise en compte du respect de la parité dans l’usage de l’argent public.

  • Par quels moyens (législatifs, règlementaires, autres…) comptez-vous faire progresser la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et, plus globalement, faire avancer l’objectif de la parité femme/homme dans le domaine de la culture ?

4. Intégrer toutes les pratiques artistiques et culturelles, toutes les esthétiques qu’elles soient savantes ou populaires, profes ionnelles ou en amateur, régionales ou “du monde” dans les objectifs des politiques culturelles.

  • Etes-vous favorable à une extension du périmètre des politiques de soutien à la culture à l’ensemble des pratiques ? Vous engagez-vous à signer la Charte européenne sur la diversité des langues régionales ou minoritaires ?

5. Développer nationalement et dans le cadre de la concertation européenne, une fiscalité sur les opérateurs d’Internet au bénéfice des artistes et des acteurs de la culture.

  • Quels sont, à vos yeux, les outils mobilisables et les initiatives nouvelles à prendre (dans le cadre de l’action interministérielle, au sein des instances européennes…) pour contribuer à une meilleure répartition des bénéfices que les opérateurs d’Internet tirent des contenus culturels et en faire bénéficier la vie artistique et culturelle sur les territoires ?

6. Promouvoir le respect des droits culturels à l’horizon des politiques culturelles : soutien à la diversité de la création, participation et contribution des citoyennes et des citoyens, accompagnement des pratiques.

  • Quelles mesures concrètes prendrez-vous pour le respect des droits culturels inscrits dans les lois NOTRe et LCAP ?
inventer

7. Accroître la coopération entre l’Etat et les collectivités : rendre obligatoire, pour toute décision culturelle concernant les territoires, la consultation du Conseil national des territoires pour la culture et de ses déclinaisons en région…

  • Comment envisagez-vous le renforcement de la coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales dans le domaine de la culture ?

8. … et engager des modalités de financement ouvertes, souples et respectueuses des stratégies culturelles des territoires, de l’Etat aux collectivités.

  • Quels dispositifs de financement – conventions, déconcentration des crédits, enveloppes dédiées… – imaginez-vous, et à quelle hauteur, pour mieux accompagner l’engagement culturel des collectivités ?

9. Inscrire l’éco-responsabilité au principe de l’action culturelle.

  • Par quels moyens (indexation de l’octroi d’argent public à la prise en compte des enjeux environnementaux, sensibilisation des jeunes, initiatives législatives françaises, européennes…) et pour quels objectifs à court et long termes (spectacles éco-responsables, promotion des politiques culturelles de proximité…) envisagez-vous d’inscrire l’impératif écologique dans les politiques culturelles ?

10. Inciter à une gouvernance de la vie nocturne dans les politiques culturelles.

  • Etes-vous favorable à la création d’un Conseil national des politiques de la Nuit ?

30 chantiers

I – renforcer la coopération territoriale et la rendre plus efficiente – financements publics – conseils locaux des territoires pour la culture – comités régionaux des professions du spectacle – expérimentation culturelle – territoires ruraux – enjeux environnementaux…

C’est le chantier le plus urgent, car la coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales constitue le socle sur lequel s’est construite la politique culturelle française. C’est notre exception. Or ce modèle est aujourd’hui fragilisé par un manque de dialogue mais aussi par un manque de cadre clair de codécision. Aussi, alourdies par leurs dépenses non prévues durant la crise covid, corsetées par un cadre règlementaire de plus en plus contraignant, les collectivités territoriales ont aujourd’hui de plus en plus de mal à consacrer une part importante de leur budget à la culture et aux arts. Le danger est qu’à terme les inégalités des financements de la culture s’accentuent.

1.   Renforcer les instances de dialogue Etat/collectivités :

  • rendre obligatoire la consultation du Conseil national des territoires pour la culture (CNTC) pour toute décision relevant des politiques culturelles nationales et de celui des Conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC) pour toute décision concernant les territoires, et en redéfinir leur rôle et leur fonctionnement ;
  • activer les Comités régionaux des professions du spectacle (Coreps) dans toutes les Régions ;
  • lancer une réflexion sur l’avenir des commissions culture des Conseils territoriaux de l’action publique (CTAP) voulus par les lois NOTRe et LCAP.

2. Affirmer le droit à l’expérimentation culturelle des collectivités et la nécessité de son accompagnement par l’Etat, notamment via la mise en place de “conventions territoriales” pluriannuelles, sectorielles ou non.

3. Afin de rééquilibrer l’action publique dans le domaine de la culture sur les territoires et d’en accroître l’efficacité, modifier les modalités des flux financiers entre l’Etat et les pouvoirs locaux, notamment en mettant à libre disposition des collectivités territoriales une part significative des crédits, décentralisés ou non, pour abonder leurs initiatives propres.

4. Prendre pleinement en compte la richesse culturelle des territoires ruraux et la nécessité de développer de nouvelles solidarités territoriales.

II – les cultures de toutes et tous – égalité femme/homme – métropole et outremers – artistes, professionnels et amateurs – personnes en situation de handicap – jeunes…

Développer les politiques de médiation pour les jeunes

5. Reconnaître l’apport culturel et artistique des jeunes en tant que tel – ne pas les catégoriser comme un segment de population spécifique mais les considérer comme des personnes à part entière – et adjoindre au Pass culture national de véritables dispositifs de médiation pour accompagner les jeunes dans la découverte de la diversité de la création et dans leurs pratiques artistiques et culturelles.

6. Accompagner les expressions citoyennes et mettre en œuvre pour toutes et tous des “parcours d’éducation artistique et culturelle” afin de favoriser l’accès de chacune et de chacun à ses propres capacités sensibles et créatives, dès l’école et tout au long de la vie.

7. Renforcer le lien entre culture et éducation, notamment les dispositifs d’éducation à l’image, à la fois au niveau interministériel et dans les territoires via les Conseils locaux des territoires pour la culture.

Promouvoir l’égalité femme/homme

8. Mettre en œuvre de manière volontariste et dans le respect des procédures de recrutement l’égale représentation et financement des femmes et des hommes dans la création artistique et aux responsabilités culturelles.

9. Prendre en compte le respect de la parité dans l’usage de l’argent public.

10. Veiller aux objectifs de la parité et de la nécessaire sensibilisation à l’égalité femme/homme dans l’ensemble des champs de l’action publique, notamment dans les politiques d’éducation artistique et culturelle ainsi que dans l’enseignement artistique.

Refléter la diversité de la société française

11. Œuvrer à une meilleure représentation sur les scènes publiques, dans l’offre culturelle et dans les processus de médiation, de production et de création, de la diversité des personnes qui composent aujourd’hui la société française métropolitaine et ultramarine.

12. Placer l’objectif de traduire, dans la médiation comme dans l’accès aux arts et à la culture ainsi qu’aux pratiques, la diversité sociale de la population.

Reconnaitre et accompagner les personnes en situation de handicap

13. Reconnaître la valeur culturelle propre des personnes en situation de handicap – le handicap non comme un problème mais comme une richesse – via la promotion de la partici¬pa¬tion et de la contribution des personnes en situation de handicap à la vie culturelle partagée.

III – La culture partout – création et pratiques – œuvres et fêtes – jour et nuit – cultures du monde et expressions traditionnelles et régionales – cinémas et librairies – artisanats – tiers lieux – tourisme…

Mieux reconnaître et accompagner la diversité de la création et des pratiques artistiques et culturelles

14. Intégrer toutes les pratiques artistiques et culturelles, toutes les esthétiques qu’elles soient savantes ou populaires, professionnelles ou en amateur (bals, fêtes, carnavals…) dans les objectifs des politiques culturelles et promouvoir la visibilité, la rencontre et l’échange des cultures du monde, des cultures traditionnelles, des langues régionales et minoritaires.

15. Inciter à une gouvernance de la vie nocturne dans les politiques culturelles, via notamment la création d’un Conseil national des politiques de la Nuit.

16. Développer le dialogue avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire, de l’éducation populaire…

17. Croiser les enjeux culturels, sociaux, économiques, environnementaux dans un esprit de transversalité et favoriser la reconnaissance mutuelle entre le monde de la culture publique et le secteur privé : entreprises, mécènes, artisans, commerces culturels (cinémas, librairies, galeries…), mais aussi avec le sport, l’agriculture, la gastronomie…

18. Inclure les enjeux culturels et artistiques dans les politiques du tourisme via notamment des actions spécifiques pour le patrimoine culturel.

Assurer la préservation et la mise en valeur du patrimoine matériel et immatériel et en déployer une approche renouvelée

19. S’engager vers la signature de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, dite “Convention de Faro” (2005) – un texte qui défend une vision plus large du patrimoine et promeut l’idée que la connaissance et la pratique du patrimoine relèvent du droit du citoyen de participer à la vie culturelle.

20. Préserver, voire accroître, les moyens pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine matériel, immatériel et mémoriel ainsi que pour l’archéologie préventive en équilibrant la redistribution de la Redevance d’archéologie préventive entre les services des collectivités et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

21. Favoriser la solidarité nationale et territoriale pour épauler les petites communes dans la préservation de leur patrimoine ne bénéficiant pas des dispositifs nationaux de soutien (“petit patrimoine”).
Développer la présence de l’art et de la culture dans l’espace public

22. Promouvoir une approche culturelle de l’urbanisme et de l’architecture par la construction de villes plus ouvertes, adaptées aux manifestations culturelles, accueillantes à l’itinérance culturelle et équipées pour une circulation favorisant le regroupement et la rencontre : tiers-lieux, équipements hébergeant des activités de différentes natures (loisirs, sports, activités artistiques, manifestations de démocratie…), etc.

23. Renouveler les missions et le fonctionnement des équipements culturels pour les rendre à leur mission d’espaces publics et de “lieux culturels de vie”, promouvoir des manifestations “hors les murs” et un fonctionnement en lien avec les autres structures culturelles, conjuguer manifestations artistiques et patrimoine.

IV – une culture ouverte, respectueuse des droits culturels et éco-responsable – univers numérique – droits d’auteur – union européenne – francophonie – langues régionales…

24. Mettre en œuvre, dans tous les domaines de l’action culturelle, des critères et objectifs contribuant à la participation de la culture à la lutte contre le réchauffement climatique et à la promotion des enjeux environnementaux par l’application du principe d’éco-responsabilité dans la production et la diffusion, par la sensibilisation des publics…

25. Réaffirmer le principe du respect des droits culturels des personnes et de la diversité de la création et des pratiques pour toutes les dimensions de l’action publique.

26. Faire entrer la puissance publique comme acteur d’un service public de l’Internet, poursuivre les politiques en faveur du respect des droits d’auteur sur Internet et défendre l’exception culturelle, notamment dans les domaines du cinéma et des arts visuels.

27. Travailler à une meilleure contribution des Gafam à la création artistique et à la médiation culturelle et inclure les actions d’éducation au cinéma dans l’utilisation des taxes affectées collectées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

28. Instaurer un moratoire sur le décret-son de 2017 pour engager sa réécriture afin qu’il concilie les exigences de la diversité de la création musicale avec celles de la santé auditive et que son respect soit financièrement non dissuasif et techniquement opérationnel.

29. Renforcer la représentation des collectivités dans les instances du Centre national de la musique.

30. Favoriser activement le développement d’une réelle politique européenne de la culture, signer la Charte européenne sur la diversité des langues régionales ou minoritaires et encourager les politiques de coopération culturelle décentralisée, notamment en direction de la francophonie.


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