Le 27 avril, l’Allemagne et la France ont dévoilé leurs “Plans nationaux de relance et de résilience” (PNRR), transmis à la Commission européenne. De cet envoi dépend l’obtention de la dotation européenne de 675,5Mds€ du programme “Facilité pour la reprise et la résilience » (FRR). Soit pour la France 40Mds€ – attendus à partir de septembre – représentant 40% du Plan de relance national (100Mds€). La part dédiée à la culture s’élève à 2Mds€, à consommer pour l’essentiel dans le courant de l’année 2021. Quelle que soit la destination des diverses enveloppes, elles déclinent les deux principaux axes stratégiques adoptés par l’Union européenne : la transition énergétique et le développement du numérique, auxquels le plan français ajoute le renforcement de la cohésion sociale et territoriale. Structure du PNRR culturel français et mesures territorialisées.
Le Plan de relance et de résilience français détaille l’emploi d’une enveloppe budgétaire représentant 5% (2Mds€) du montant total de la dotation européenne à la France (40Mds€). Cette attention notable à la dimension culturelle de la relance tient, d’une part, à la part substantielle de la culture dans l’économie française : « La culture constitue un secteur clef de l’économie, avec près de 2,3% du PIB, 80 000 entreprises culturelles (pour la plupart des TPE et PME), 670 000 emplois, soit 2,5% de la population active. » Et d’autre part, au caractère naturellement vertueux du point de vue écologique de ses activités, conformes au principe général du plan européen : “Do no significant harm”.
Répartition. La partie culturelle du document budgétaire est intitulée “Soutien aux filières culturelles et rénovations patrimoniales”, ce deuxième aspect concernant plus particulièrement les territoires. Les mesures « sont également complémentaires des politiques publiques culturelles structurelles dont les crédits ont été votés en loi de finances pour 2021 » et viendront ainsi en renfort des différentes “missions” du budget du ministère de la Culture. Les aides seront réparties en cinq volets :
- 614M€ pour une relance par et pour le patrimoine, alliant activité dans les territoires et attractivité de la France,
- 426M€ pour la reconquête du modèle français de création et de diffusion artistique,
- 113M€ pour soutenir l’emploi artistique, redynamiser la jeune création et moderniser le réseau des établissements d’enseignement supérieur de la culture,
- 428M€ pour consolider et moderniser des filières culturelles stratégiques lourdement impactées par la crise,
- 419M€ pour financer l’avenir des industries culturelles et créatives.
Patrimoine. La majeure part des financements du PNRR porte sur le patrimoine, soit 280M€. Ils abonderont le “Plan cathédrale” (80M€), la restauration des monuments historiques appartenant aux collectivités et aux propriétaires privés (40M€), mais permettront aussi d’accélérer la restauration des monuments gérés par le Centre des monuments nationaux (40M€) et de finaliser la restauration du château de Villers-Cotterêts (100M€), future Cité internationale de la langue française. Enfin, 20M€ iront aux “musées de France”, aux archives communales et départementales ainsi qu’aux centres de conservation et d’études de l’archéologie.
Emploi artistique et enseignement supérieur (113M€). Ambition : soutenir la transition écologique des institutions de la création artistique (remise aux normes des bâtiments, rénovation thermique, transition numérique), redynamiser la jeune création et moderniser le réseau des établissements d’enseignement supérieur de la culture (70M€). A noter, le programme exceptionnel de commande publique (30M€) pour donner un nouvel élan à la création dans toutes les disciplines. L’ensemble de ces crédits, gérés par les DRAC en concertation avec les collectivités territoriales concernées, fera l’objet de conventions précisant le montant de la contribution de l’Etat.
Les filières culturelles, dites “stratégiques”, recevront 309,5M€ pour accompagner la reprise de leurs activités, lourdement impactés par la crise pandémique. En dehors des enjeux globaux de l’exportation et de la compétitivité à l’international, les crédits du PNRR concerneront deux filières d’implantation significativement territoriales : la filière du livre et celle du cinéma.
Filière livre (53M€). Trois volets sont plus particulièrement identifiés. D’une part, dans le cadre de l’EAC, la généralisation de l’opération “Jeunes en librairies”, déjà opérante dans deux régions, qui « permettra à plusieurs dizaines de milliers de jeunes de découvrir, dès 2021, les commerces de proximité que sont les librairies et leur rôle essentiel pour la promotion des œuvres et des auteurs ». Avec une aide aux bibliothèques publiques pour l’achat auprès des librairies indépendantes. Enfin, la dotation générale de décentralisation (DGD) bibliothèques sera temporairement renforcée pour poursuivre le plan d’extension des horaires d’ouverture et réaliser des investissements structurants (rénovation, mise aux normes thermiques et énergétiques des bâtiments).
Filière cinéma (116,5M€). Parmi les huit mesures énumérées, qui vont de l’aide à la création et la mise en valeur du patrimoine français à l’exportation ou encore à l’optimisation du tissu industriel de la filière, deux pourront avoir un impact territorial direct : un accompagnement des exploitants (salles de cinéma, notamment “art & essai”), des festivals et des cinémathèques ; et un soutien à l’éducation à l’image, avec notamment une aide aux coordinations locales pour financer le recrutement et la formation des enseignants.
Investissements d’avenir. Les mesures du PNRR s’inscrivent en complémentarité avec les priorités du ministère de la Culture mais s’agrègent aussi à un autre programme national, à vocation plus directement économique, en faveur des industries culturelles et créatives (ICC) : le 4e volet du Programme d’investissement d’avenir (PIA4), doté de 20Mds€ sur cinq ans, dont les contours ont été définis lors d’un Conseil de l’innovation présidé par le Premier ministre le 8 janvier dernier.
Le PIA4 prévoit notamment de « hisser la France dans la nouvelle économie culturelle numérique » en prônant la recherche de nouveaux publics et en consolidant le droit d’auteurs, de renforcer la place des ICC françaises à l’international, de les orienter vers des “alternatives vertes” et, enfin, de les impliquer dans la transformation des territoires, via la création de pôles territoriaux ainsi que la multiplication de “lieux innovants” et “incubateurs”.
Les “attendus” du PNRR. Les finalités générales du PNRR sont les suivantes :
- Soutenir des emplois non délocalisables dans le secteur du bâtiment, au plus proche des territoires, les métiers d’art et les savoir-faire d’excellence.
- Favoriser l’emploi et prévenir la paupérisation du monde de la culture.
Renforcer les moyens d’action des opérateurs nationaux chargés de l’animation de filières, comme le Centre national de la musique (CNM). - Opérer une transformation transversale des industries créatives et culturelles en orientant leur évolution vers une intégration numérique et réaffirmer la souveraineté culturelle française.
- Accroitre la résilience du secteur de la création et améliorer sa productivité.
- Renforcer, par le soutien au patrimoine, l’attractivité du territoire et le sentiment de cohésion nationale.
La commission européenne dispose désormais de deux mois pour donner son feu vert au versement des 40Mds€ de la « Facilité pour la reprise et la résilience » (FRR) destinés à la France. Alors, elle recevra, en septembre, une avance de 13% de sa dotation, soit 5,1Mds€. Un début.