Réunis en Conseil d’administration, le 10 avril 2015 à Saint-Etienne, les élu(e)s de la FNCC ont échangé sur les difficultés budgétaires des collectivités et notamment sur la perspective de la fin du soutien de l’Etat aux établissements d’enseignement artistique initial. La CA a été suivi d’un séminaire, à la Cité du Design, sur les ‘‘nouveaux chemins’’ des politiques culturelles. Un moment prospectif qui se prolongera lors de Journées d’Avignon de la FNCC.
A l’invitation de Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne et de son adjoint à la culture Marc Chassaubéné, c’est dans la ville où elle a été fondée que la Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture (FNCC) a tenu son Conseil d’administration, vendredi 10 avril, à l’occasion de la Biennale internationale du design 2015. Cette réunion s’est placée sous une double perspective : veiller à la continuité des politiques culturelles en renforçant le dialogue avec les artistes, les professionnels et les citoyens, et imaginer de “nouveaux chemins” pour déployer les arts et la culture, forces des valeurs de tolérance et de liberté.
Continuité. Le premier impératif, celui de la continuité, s’affronte à de considérables difficultés financières imposées par une baisse drastique des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales. Une situation face à laquelle les propositions de “pactes” financiers collectivités/Etat apportent une réponse individualisée dont les conséquences risquent d’être défavorables à la solidarité nécessaire entre territoires. Il ne s’agit pas de “sanctuariser” ou de résister, mais d’inventer, de se concerter, de s’écouter : les collectivités assument pleinement leur responsabilité culturelle et elles sauront faire face aux défis, riches d’espoir, de la réforme territoriale et des difficultés budgétaires qui doivent être porteurs de dialogue et de respect mutuel entre elles et l’Etat. Jamais il n’est apparu aussi clairement que la culture et l’éducation, le savoir et l’invention, sont au fondement d’une société réellement démocratique. Nous entendons l’appel de la tolérance et de la liberté et nous voulons y répondre.
Concrètement, la FNCC ne peut que s’élever contre la décision unilatérale d’une cessation complète des crédits de l’Etat à l’enseignement artistique initial, au bénéfice de l’enseignement supérieur. Cette décision négative n’est pas que symbolique. Les élus présents à la réunion du Conseil d’Administration ont donné leurs chiffres : une perte de 145 000€ à Mâcon, de 300 000€ à Saint-Etienne… Ici, la FNCC joint sa voix à celles des parlementaires qui s’inquiètent : la présidente de la commission culture du Sénat, Catherine Morin-Desailly, a dit le rôle essentiel des conservatoires et la nécessité de pérenniser leurs missions ; et récemment, le député et ancien président de la FNCC François de Mazières a réclamé la poursuite du soutien public à ce réseau indispensable d’offre démocratique d’accès à l’enseignement, partie prenante des droits culturels des citoyens.
Innovation. Les tensions d’aujourd’hui n’occultent pas les espérances pour demain. A la suite du Conseil d’Administration, la Fédération a organisé à la Cité du Design un séminaire sur le thème “Responsabilités et enjeux démocratiques : les nouveaux chemins des politiques territoriales”. « Comment, en tant qu’élus, être à la hauteur de la sidération devant les événements
de janvier, devant le sursaut qu’ils ont suscité ? Comment relever le défi de la différence ? Qu’avons-nous négligé ? », s’interroge Florian Salazar-Martin, président de la FNCC. D’où cette question : comment mettre l’engagement des artistes et des politiques au service des droits culturels, seule réponse plausible à la violence des incompréhensions réciproques ?
Chemins :
– « La culture peut être ouverture ; elle peut aussi être clôture », prévient en introduction Jean-Pierre Saez, le directeur de l’OPC, qui plaide pour un engagement non dogmatique, pluriel. Dans la « bataille de paradigmes » qui se joue aujourd’hui, il importe de construire des politiques culturelles s’appuyant sans exclusive sur quatre principes complémentaires : la démocratisation, la démocratie culturelle, le respect de la diversité et les droits culturels.
– Cela commence avec les tout-petits. Marie-Haude Caraës,directrice de l’Ecole des Beaux-arts de Tours, décrit la mise en oeuvre d’un dispositif de réhabilitation d’une école primaire menée par des designers, conjointement avec les enseignants et les enfants. Avec, au final, une appropriation de la conscience que, oui, on peut « changer le réel par l’expérimentation » en développant « l’accès au savoir par le savoir-faire ».
– Cela se poursuit dans l’enseignement secondaire. Le metteur en scène Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Etienne, raconte la construction du spectacle 11 septembre 2001, réalisé avec 45 lycéens de Seine-Saint-Denis. Constatant la difficulté des jeunes des milieux défavorisés à envisager un métier artistique, l’école de la Comédie de Saint-Etienne met en place, cette année, un cursus préparatoire à l’entrée dans les écoles professionnelles de théâtre. Projet : un « dispositif concret d’égalité des chances », avec l’accompagnement de cinq jeunes comprenant leur hébergement et une bourse d’étude.
– Et cela s’étend en direction de tous les citoyens. Josyane Franc, directrice des relations internationales à la Cité du Design, évoque le travail d’urbanisme participatif lié au projet “Saint-Etienne ville Unesco du design”, une ville déjà par ailleurs membre du Réseau des villes créatives de l’Unesco. Des expérimentations remarquables, mais seulement encore des expérimentations.
D’où ce mot d’ordre que la FNCC fait sien : inscrire l’innovation comme une règle, comme un réflexe, par-delà les habitudes et les approches trop précautionneuses ou trop corporatistes.
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Dans cette ville, point de départ de la décentralisation culturelle, qui a su porter sa renaissance grâce à l’innovation et à la mise en valeur de sa forte identité de haut lieu des industries créatives, le séminaire de Saint-Etienne de la FNCC constitue en lui-même le début d’un “nouveau chemin”. Il veut marquer la voie vers d’autres manières d’envisager la responsabilité culturelle des collectivités par des approches plus ouvertes, transversales, fondées sur le partenariat avec tous et la co-construction entre services des collectivités, entre collectivités et avec l’Etat.
A la lumière de cette nécessité, la FNCC a appelé tous les participants du séminaire à continuer d’abonder de réflexions, de témoignages, de discussions cette nouvelle politique à mettre en oeuvre. Une prochaine étape se déroulera cet été à Avignon, à l’occasion des 55 ans de la FNCC. D’ores et déjà, la Fédération se mobilise sur une refondation de ses textes fondamentaux : réécriture de sa charte de valeurs dans l’esprit d’un manifeste pour un nouvel essor des politiques culturelles, réactualisation de son document d’orientation politique à la lumière des Recommandations de l’Unesco de Nairobi et de Belgrade. Sur cette voie de l’approfondissement de son action dans le sens d’une mobilisation collective, elle rencontrera d’ici l’été les associations d’élus et les professionnels du secteur associatif (COFAC), des arts du cirque, des arts de la rue, les syndicats du spectacle vivant…
L’intuition première du fondateur de la FNCC, Michel Durafour, s’est imposée à Saint-Etienne, il y a 60 ans : l’avenir de la culture passe par la décentralisation culturelle. Aujourd’hui, elle s’est à nouveau imposée, toujours à Saint-Etienne. Continuité donc, et innovation. Ce sont là les deux termes d’un débat difficile et nécessaire.
Florian Salazar-Martin, président,
et les membres du Conseil d’administration de la FNCC